Le Président Macron et le nucléaire : qu’en penser ?

03 / 03 / 2022

Le Président Macron et le nucléaire : qu’en penser ?

Mar 3, 2022 | Actualités

Avis de PNC-France : Le Président Macron et le nucléaire ?

Depuis 15 mois le Président Macron dévoile pas à pas une vision du nucléaire qui diffère sensiblement de celle qu’il a héritée de la présidence de François Hollande, et qu’il a poursuivie sans état d’âme depuis 4 ans.

  • Décembre 2020 au Creusot : « Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire »
  • Octobre 2021 : « Faire émerger en France des réacteurs de petite puissance, innovants et avec une meilleure gestion des déchets »
  • Février 2022 : « Prolongement de tous les réacteurs qui peuvent l’être et lancement d’un grand programme de nouveaux réacteurs nucléaires ».

PNC-France relève une évolution, certes positive, qui intervient après deux décisions récentes, destructrices : les arrêts des deux réacteurs de Fessenheim (et l’émission de 12 millions de tonnes de CO2 par an de plus), et du programme Astrid qui pourtant ambitionnait clairement de répondre au souhait d’un développement de réacteurs innovants avec une gestion optimisée des déchets.

Le Président et son gouvernement auraient pu, dès fin 2020, présenter au Parlement un projet de modification de la LTECV et de la PPE, éliminant tous les blocages accumulés contre le nucléaire : limite de sa contribution à 50 % de la production d’électricité, interdiction de dépasser une capacité de 63 GW, arrêt de 14 réacteurs d’ici 2035. Or il n’en ont rien fait, et il faudra maintenant attendre le gouvernement mis en place après l’élection présidentielle et la nouvelle assemblée nationale pour que ces promesses deviennent réalité. Encore deux années de perdues !

Le Président a-t-il été trompé par sa ministre, affirmant que le « tout renouvelable » était techniquement possible ? Les deux hauts responsables de RTE, chargé de l’équilibre du réseau, et de la CRE, qui a pour objectif de veiller à l’évolution du secteur de l’électricité afin qu’il serve les intérêts des consommateurs, lui ont-ils fait prendre des vessies pour des lanternes, défendant jusqu’au bout une politique, en échec, qu’ils avaient contribué à mettre en place ? On peut le penser quand on observe le « en même temps » qui caractérise ses annonces, cumulant développement massif de l’électricité intermittente, fortes contraintes sur les consommations d’énergie et développement prudent du nouveau nucléaire, tout ceci quel qu’en soit le coût.

Ce n’est pas faute d’alertes, celles des Présidents successifs de l’Autorité de Sûreté Nucléaire l’implorant de cesser de procrastiner face à la nécessité de maintenir un parc robuste de moyens de production d’électricité pilotable, celle de France Stratégie l’informant de l’écroulement inéluctable d’ici 2030 de la capacité pilotable européenne, celles des Académies, relevant, comme l’Agence internationale de l’énergie, le rôle essentiel et l’appel en forte croissance d’une électricité décarbonée en substitution aux énergies fossiles.

PNC-France, dans l’article qui suit, analyse en détail les déclarations du Président Macron, en relève certes les orientations qui vont dans le bon sens, mais s’inquiète du manque d’une vision stratégique d’ensemble de relance d’un nucléaire compétitif et conférant au réseau sa résilience. La future loi de programmation énergie climat doit être, comme nous le proposons, l’occasion de remettre notre politique énergétique sur ses rails, avec une vision à plus de 60 ans, sans paris insensés et en traçant un futur sans regrets.

 

ILLUSTRATION : Nicolas WAECKEL

 

TEXTE : Quelle électricité pour demain ? Analyse des annonces du 12 février 2022 à Belfort,  par Michel Simon et Jean-Pierre Pervès (PNC-France)

Dix années d’inconséquence et enfin, un éclair de raison ! Notre Président, Emmanuel Macron, n’a malheureusement pas encore été alerté par ses « experts » de la difficulté réelle de l’enjeu climatique et énergétique! Faudra-t-il encore attendre, perdre du temps et en payer chèrement le prix plus tard ?

PNC-France a décortiqué son discours de Belfort du 12 février 2022. L’examen, factuel, permet de dégager quelques avancées notables, mais aussi le manque de cohérence d’ensemble hérité de la politique climatique actuelle.

  A. Des avancées modestes : certaines des nouvelles propositions répondent à des évidences depuis longtemps clairement exposées par le monde scientifique, mais ne sont qu’insuffisamment développées :

  • Les projets de fermeture anticipée de réacteurs nucléaires d’ici 2035 (n’oublions pas l’objectif initial irréaliste de 2025) sont clairement néfastes tant pour le climat que pour notre économie et notre indépendance énergétique. La prolongation à 60 ans (voire davantage) d’une exploitation de la totalité du parc nucléaire actuel, dans les conditions de sûreté requises, est enfin reconnue nécessaire car, pilotable. Ce parc restera dans les décennies prochaines le fondement de la résilience de notre réseau électrique.
  • La construction de 6 nouveaux réacteurs EPR2, déjà promise depuis un an, est urgente et doit être engagée sans retard.
  • L’ambition attribuée au nucléaire est en revanche notoirement insuffisante : l’industrie, pour investir, doit disposer d’une vue à long terme, et une simple option de 8 réacteurs de plus en 30 ans est notoirement insuffisante par rapport à l’enjeu. Souvenons-nous de 50 réacteurs construits en 20 ans il y a 40 ans.
  • La disparition de l’ARENH en 2025, rappelée par le Président, ne suscite aucune proposition, si ce n’est celle d’une négociation avec une Europe qui s’est attachée à détruire EDF et à affaiblir et renchérir notre approvisionnement en électricité.

 

B. Mais aussi la poursuite de la politique antérieure, pourtant en échec 

« Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Ces annonces, avec leurs faiblesses, ne font qu’accompagner une vision d’ensemble qui reste finalement proche de celle amorcée par le Président François Hollande il y a 10 ans et poursuivie depuis par son successeur. La timide relance annoncée du nucléaire, qui le classe comme énergie de transition et non comme énergie durable, est à mettre en regard des engagements en matière EnR qui sont, de notre point de vue, déraisonnables :

  • Une priorité donnée à un développement massif de l’électricité renouvelable intermittente (100 GWe solaire, 37 GWe éolien terrestre et 40 GWe éolien en mer), une option que la ministre en charge, connue pour sa détestation du nucléaire et son objectif d’un mix électrique 100 % renouvelable quel qu’en soit le coût, ne peut qu’approuver ! Ce faisant, le Président engage le pays dans une aventure risquée fondée sur des choix non maîtrisés (réseau complexes et fragiles, stockage massif, flexibilité imposée, rareté des métaux et matières utilisés), une surestimation systématique des performances, et une dépendance vis-à-vis de nos voisins et des fournisseurs de gaz. La sécurité d’approvisionnement du pays est déjà mise à mal par l’effondrement de notre puissance pilotable, et la voie choisie ne fait qu’aggraver cette fragilité :
    • Un solaire hivernal bien pâle, et un soleil d’été qui dépassera en milieu de journée l’appel de puissance, en France comme chez nos voisins, pour s’effondrer quelques heures après la nuit venue.
    • Un éolien en mer avec des variations très brutales de puissance et une simultanéité des productions avec celles des éoliennes terrestres.
    • Une puissance garantie de ces sources d’électricité limitée à quelques GWe, bien insuffisante pour répondre aux besoins.
    • Des fluctuations erratiques des prix de marché.
  • Des objectifs d’économies d’énergies promis pour complaire à la frange écologiste la plus radicale, qui sont hors de portée sauf transformation profonde et imposée de notre société. Vouloir transformer par exemple notre parc immobilier actuel, dont une partie significative est d’ordre patrimonial, pour l’amener au niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation), comme fixé par la Stratégie nationale bas carbone, est illusoire, sans compter que la généralisation annoncée des rénovations complètes sera hors de prix. Il faudrait en effet tabler chaque année sur un taux d’économie d’énergie finale 5 fois supérieur à celui constaté de 2015 à 2019. Le Président n’a pas été informé ou n’a pas mesuré l’extrême difficulté de cet objectif de sobriété, qui ne portera en réalité que sur deux domaines, les transports et les bâtiments actuels, alors que, parallèlement, la réindustrialisation du pays provoquera une hausse substantielle de la consommation d’électricité. Faudra-t-il raser et reconstruire, avec des règles rigides telle l’obligation d’un habitat dense, des surfaces réglementées, des trajets imposés ?

C. Pour une programmation réaliste et ambitieuse

PNC-France relève que toutes les études sérieuses montrent que la décarbonation de notre société passera en grande partie par la substitution aux combustibles fossiles d’une électricité décarbonée et maîtrisée, et des EnR thermiques. Alors que les combustibles fossiles fournissent encore les deux tiers de notre énergie, le Président ne propose qu’une croissance de 60 % de la consommation d’électricité, soit 750 TWh, bien inférieure à celle de 80 à 90 % environ, recommandée par nos Académies (et retenue par nos voisins), soit 900 TWh, qui nécessitera donc une capacité de production de 1000TWh au moins. Et il ne fait qu’effleurer la question des ENR thermiques, alors que la Cour des Comptes en avait souligné l’importance.

Quelle que soit l’importance du programme EnR proposé, et la rapidité d’une mise en œuvre (reposant sur des importations massives d’éoliennes et de panneaux solaires), l’approvisionnement en électricité restera critique, comme constaté cet hiver, compte tenu du caractère aléatoire de leurs productions. L’arrêt accéléré de capacités de production pilotables (centrales nucléaires, à charbon et au lignite) en France et en Europe d’ici 2030 est très préoccupante et il est devenu inévitable, compte-tenu de l’immobilisme constaté depuis 10 ans, de recourir à la construction en urgence de centrales à gaz de transition, un combustible dont l’actualité rend l’approvisionnement encore plus problématique.

Enfin, comment le Président peut-il déclarer que « ces énergies renouvelables sont devenues rentables et compétitives » ! Ignorance ou mensonge ? Peut-il ignorer le coût des effets induits par le caractère aléatoire de ces productions (stockage de l’électricité ou production de substitution à partir de gaz essentiellement fossile et totalement importé) et le surcoût de l’extension associée des réseaux (déjà 103 milliards d’ici 2035 au moins) ? L’étude RTE d’octobre 2021 a clairement établi que les systèmes électriques les mieux dotés en énergie nucléaire sont les plus économiques.

PNC-France tient enfin à souligner quelques points majeurs qui devraient figurer dans la feuille de route du Gouvernement pour marquer l’ambition industrielle du Président :

  • Le nombre d’EPR2 nécessaires en 2050 est d’au moins 30 unités. Cet objectif est cohérent avec la mise en service de 2 à 3 réacteurs par an à partir de 2035, ce qui est une performance industrielle tout à fait accessible aux acteurs de la filière.
  • L’objectif de développement de « réacteurs du futur » demande à être précisé. La priorité donnée au projet NUWARD est pertinent sous réserve d’une première construction en France : c’est un réacteur adapté à des réseaux de taille moyenne (à l’exportation), au remplacement de centrales à charbon, à des réseaux de chauffage urbain ou de chaleur industrielle. En ce qui concerne les réacteurs de petite et moyenne puissance (SMR) de quatrième génération ils doivent être surgénérateurs et être développés en même temps qu’une version de forte puissance.
  • La vision à long terme sur les activités concernant le cycle du combustible est essentielle: le retraitement des combustibles, domaine sur lequel la France a encore une avance considérable mériterait, comme souligné par l’Autorité de sûreté nucléaire, une vision 2040 ambitieuse.
  • La relance vigoureuse d’un programme de développement de réacteurs surgénérateurs de 4ème génération, doit être affichée sans ambigüité, avec l’objectif d’utiliser l’immense potentiel que représente notre stock d’uranium appauvri, qui nous offre des millénaires d’électricité, et d’améliorer encore la gestion des déchets radioactifs.
  • L’avancée du programme CIGEO de réalisation d’un stockage géologique des déchets de haute radioactivité/vie longue aurait pu être saluée et le lancement effectif de la construction devrait être annoncé sans délai. Cette technologie, reconnue mondialement comme la plus satisfaisante pour le stockage à long terme des déchets de haute activité, est autorisée en Suède et Finlande, en cours de développement dans de nombreux pays, et requise dans le cadre de la taxonomie pour une finance durable.
  • Enfin, il importe que le gouvernement fasse preuve de volonté et refuse de céder à la violence lors d’enquêtes publiques, comme constaté une fois de plus le mois dernier avec le report de l’enquête publique sur le projet de nouvelle piscine de stockage d’EDF à La Hague ! Un réexamen détaillé de l’ensemble des procédures administratives imposées sans réelle valeur ajoutée au déploiement des projets nucléaires devrait être entrepris afin d’éviter l’empilement de délais inutiles, contraires à l’intérêt général.

Si PNC-France se félicite du fait que la plus haute autorité de l’État ait enfin réalisé que la politique mise en œuvre depuis 2015 doit être revue, il estime que les enjeux socio-économiques, sociétaux, environnementaux et stratégiques sont tels que la future Loi de Programmation Énergie et Climat doit conduire à une refonte beaucoup plus complète et réaliste, reposant sur des technologies maîtrisées et sans paris risqués, afin de garantir à moyen et long termes la disponibilité d’une énergie propre, à coût supportable, et sans contraintes sociales insupportables. C’est ce que le nucléaire peut offrir !

* * * * * *

Lire l’article en intégralité de Michel SIMON et Jean-Pierre PERVÈS au format PDF :  » Quelle électricité pour demain ? Analyse des annonces du 12 février 2022 à Belfort« 

 

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