La crise de l’énergie en Europe : une bataille de charbonniers

25 / 07 / 2022

La crise de l’énergie en Europe : une bataille de charbonniers

 

POINT DE VUE DE PNC-FRANCE

Le quatuor « vertueux » européen, (Allemagne, Autriche, Luxembourg, Danemark), autodéclaré bien sûr, après s’être engagé dans un combat à mort contre le célèbre acte délégué européen pour une taxonomie en faveur du climat, acte délégué qui reconnaissait les vertus climatiques du nucléaire et l’intérêt transitoire du gaz naturel pour pallier les défauts des énergies intermittentes, vient de redécouvrir le charbon. Avoir tout misé sur les EnR intermittentes et le gaz naturel, un vent de panique fait oublier les déclarations fracassantes en faveur de la stratégie « Fit for 55 » promue par l’Europe.

Il faut maintenant sauver l’opulente industrie de l’Allemagne : pour assurer son approvisionnement en gaz faudra-t-il que le gaz naturel délivré en France ne fasse que transiter pour irriguer l’Allemagne ? C’est ce qu’elle voudrait. Faudra-t-il que nous demandions à nos entreprises et citoyens d’accepter des restrictions pour maintenir à flot une Allemagne qui a engagé une lutte à mort contre notre parc nucléaire ?

Or la crise actuelle, antérieure à la guerre en Ukraine et à l’indisponibilité malheureux d’une douzaine de réacteurs en France, résulte très clairement d’erreurs stratégiques majeures dans la conduite de la transition énergétique. Les offices ministériels, en France comme en Europe, ont été colonisés par des idéologues « verts » pour qui la question climatique restera toujours secondaire tant que le nucléaire n’aura pas été définitivement banni, comme en Allemagne.

Ces erreurs stratégiques ne peuvent être comprises que si l’on se donne la peine de regarder la réalité du fonctionnement d’un réseau électrique, l’impact des caractéristiques techniques de chacun des modes de production et les déviances qui résultent de leur mise en compétitions de façon très inégalitaire. Faute d’avoir engagé cette analyse, l’Europe comme la France se sont considérablement fragilisées et il y a urgence à réviser les politiques actuelles. Le travail à mener sur la future Loi de Programmation Energie et Climat (LPEC) va être essentiel : encore faut-il en comprendre les enjeux. C’est l’ambition de l’étude jointe, menée par deux experts de PNC-France : l’objectif retenu par PNC-France est quadruple (i)réduire les émissions directes de GES, (ii) préserver notre économie, (iii) réduire le déficit de notre balance commerciale et (iv), réindustrialiser notre pays en réduisant parallèlement son empreinte carbone. Pour ce faire le nucléaire est et restera le principal atout de notre pays : le gouvernement commence à le comprendre mais les déclarations restent timides et leurs mises en œuvre bien lentes.

 

ILLUSTRATION : Nicolas WAECKEL

 

TEXTE :

PNC-France analyse la situation de crise actuelle – Imprévision, manque d’analyse, immobilisme de la pensée

Jean-Pierre Pervès et Georges Sapy (experts PNC-France)

 

La situation du marché de l’électricité se présente comme inquiétante et complexe, quel que soit l’angle sous lequel elle est abordée. La réaction à la crise énergétique, au niveau européen, est encore bien floue (l’Europe saura-t-elle reconnaitre ses responsabilités ?), et en France les nécessaires corrections pour faire face aux faiblesses conjoncturelles qui fragilisent notre fourniture d’électricité depuis quelques mois se font encore attendre.

Nous sommes face à deux temporalités : une crise à court terme résultant d’un prix élevé du gaz (quelques années ?), et la nécessité de mettre en place à moyen/long terme une méthode d’établissement des coûts de l’électricité compatible avec une évolution rapide des mix tant français qu’européens. Mais l’électricité étant une industrie à long terme, nous considérons que les actions correctives à envisager à court terme ne doivent en aucun cas contraindre la vision lointaine de la stratégie française.

La crise amorcée en septembre 2021 résulte, au moins en première analyse, d’un déficit de production intermittente en Europe et de l’éolien en particulier. Dans les faits son origine nous semble plus lointaine, liée à une réduction continue des puissances pilotables disponibles depuis une quinzaine d’années, sans réduction parallèle des consommations.  Faut-il rappeler la baisse d’une dizaine de GW de notre puissance thermique, l’arrêt de Fessenheim et du nucléaire allemand, la sortie annoncée du charbon, …. France stratégie s’est également inquiétée à juste titre de l’effondrement annoncé de la capacité pilotable européenne.

PNC-France estime qu’une des raisons de cette crise, bien sûr amplifiée récemment par la crise ukrainienne et l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire français, est à attribuer à une gouvernance défaillante de la sécurité du réseau, et en particulier à une sous-évaluation du niveau de puissance pilotable nécessaire en fonction des circonstances, tant au niveau national qu’à celui de la Commission Européenne.  Un retour sur le passé montre qu’EDF, dans son périmètre antérieur, avait une large responsabilité et devait veiller à ce que les investissements nécessaires, dans l’entreprise et en tenant compte de ses concurrents, étaient au niveau requis. Aujourd’hui, la vision d’ensemble, incluant production, transport et distribution, repose sur RTE d’une part, et l’ENTSO-E d’autre part, qui ne disposent que de devoirs d’alerte, les décisions opérationnelles reposant sur un échelon politique peu formé à ce type de décisions. Or ces deux organismes ont failli à ce devoir d’alerte pour complaire à des « ministères » idéologues, dépourvus de compétences adaptées.

L’envolée des capacités intermittentes (les EnRi), éolienne et solaire en particulier, modifie profondément la dynamique des productions d’électricité, accentuée encore par l’obligation d’enlèvement dont elles bénéficient. Jusqu’à 2010 environ, le mix européen reposait en quasi-totalité sur des moyens pilotables, thermiques, nucléaires et hydraulique, en s’appuyant sur une gestion adaptée des stocks de combustibles et d’eau dans les barrages. En France le nucléaire et la gestion saisonnière de ses arrêts offrent une puissance maximale en hiver. Mais l’analyse de l’équilibre production/consommation montre que les amplitudes des fluctuations des productions intermittentes, non compensées par des capacités de stockage fondées sur les technologies actuelles, sont telles qu’elles n’offrent au réseau qu’un très faible niveau de capacité garantie, de l’ordre d’un %, même à l’échelle de l’Europe.

La capacité pilotable, qui peut être positive (des moyens de production), ou négative (flexibilité et effacements, encore très limités aujourd’hui), devra être maintenue à un niveau qui restera élevé, même quand des moyens de stockages importants, encore hypothétiques, auront été déployés. Elle doit, pour encore des décennies, être maintenue pratiquement au niveau du pic de puissance appelée : or nous avons fait le contraire en arrêtant des centrales thermiques sans les maintenir en réserve de capacités, contrairement à l’Allemagne.

C’est ce déséquilibre qui a été identifié, bien tardivement, par RTE, sans être accompagnée d’une prise de conscience politique pourtant le président de RTE avait bien précisé que la réalisation de quatre ensembles de conditions strictes et impératives, non disponibles à ce jour, étaient indispensables à la maitrise d’un mix fortement intermittent. Ce déficit de capacités pilotables a également été souligné par les trois présidents successifs de l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN).

Plus globalement l’Europe est très divisée et les objectifs généraux de la Commission Européenne, résolument en faveur des seules productions renouvelables, donc intermittentes pour la plupart, sont loin d’être réalistes et ne tiennent généralement pas compte des spécificités nationales : chaque pays développe ainsi son mix sans réelles concertations ni souci de son impact sur les pays voisins.

Nous devons prendre des décisions  « sans regrets », c’est-à-dire sans prises de risques inconsidérées et au meilleur coût.

  • Reconstituer rapidement une capacité de production pilotable, adapté à l’évolution de notre consommation, et offrir à ces moyens de production une juste rétribution (le tarif ARENH maintenu à 42 €/MWh courants depuis 2010 peut-il être considéré comme pertinent ?) .
  • Imposer aux énergies intermittentes une réelle responsabilité dans la gestion de l’équilibre du réseau, et leur en affecter le coût.
  • Adapter les réserves de capacités, tant au niveau national qu’au niveau européen, aux déficits de production résultant de l’intermittence, en pleine expansion.

Ces conditions nous apparaissent également strictes et cumulatives !

La puissance pilotable : Si le programme de développement de l’éolien et du solaire à court et moyen terme présente l’avantage, souligné par RTE, d’un apport d’énergie qui limite potentiellement le besoin d’importation en périodes tendues, il ne corrige pratiquement pas le déficit de puissance pilotable. Nous devrions nous interroger sur le bon équilibre économique à établir, dans la décade à venir, entre le développement des énergies intermittentes et la construction de moyens thermiques de pointe alimentés en gaz naturel ou en biogaz, ce que la LTECV interdit aujourd’hui, ce qui nous oblige à prolonger des centrales à charbon. Sinon, en périodes tendues, nous serons contraints, le marché de l’électricité étant peu élastique, de faire appel à des productions étrangères, souvent plus carbonées que les nôtres et particulièrement coûteuses.

Une électricité intermittente qu’il faudra responsabiliser ! Nombreux sont ceux qui mettent en avant la compétitivité des EnRi, voire leur capacité à suivre la charge du réseau. Quel est le réalisme de ces affirmations, largement contredites par le poids du soutien à ces moyens de production dans le cadre de la Charge de Service Public de l’Energie (CSPE) ?

L’examen du prix d’achat de l’éolien terrestre peut surprendre : on constate qu’il n’a en aucun cas diminué depuis 5 ans, même hors coûts de raccordement.

Est-ce un effet pervers de l’Arrêté Ségolène Royal de 2017 : il a autorisé les investisseurs à choisir un prix d’achat prix fixe pendant 20 ans pour les parcs éoliens de moins de 7 mâts et 18 MW ? Avec bien sûr l’application d’un rattrapage annuel préservant leurs marges. Et on peut constater que depuis 2017 les parcs font presque tous moins de 18 MW et 6 mats : pour échapper aux appels d’offre on saucissonne les projets sans que la CRE n’intervienne, malgré de nombreuses alertes.

Si on observe maintenant l’évolution du prix d’achat moyen annuel des principales ENR électrogènes, il ne cesse de croitre, sauf pour le solaire (mais à un niveau très élevé et avec une baisse qui ralentit).

Ces prix d’achat ne tiennent bien sûr pas compte des externalités qui résultent de leur intermittence (le back-up et la stabilité du réseau) ainsi que de leur dispersion (frais de de réseaux et de commercialisation).

Une production d’électricité intermittente qui bouscule le réseau et impose aux énergies pilotables un régime de fonctionnement qui peut devenir insupportable. Les fluctuations des productions d’énergie intermittentes qu’elles vont imposer au réseau vont devenir considérables si on maintient les privilèges dont elles bénéficient aujourd’hui, en particulier l’obligation d’enlèvement de leur production, les autres moyens de production devant s’adapter tout en portant la charge de stabilisation du réseau. Selon les projections actuelles, les puissances instantanées cumulées de l’éolien et du photovoltaïque pourraient varier entre 4 et 46 GW dès 2030, et entre 20 et 130 GW en 2050, de manière relativement aléatoire et en toutes saisons, si leurs privilèges étaient maintenus.

Les deux figures ci-dessous montrent ce que seraient les productions intermittentes en 2030 et 2050 , sans modifications de leurs droits d’accès au réseau, comme aujourd’hui :

  • En 2030 avec une évolution des EnR intermittentes conforme à la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie), extrapolée de 2028 à 2030, et sans arrêt de nouveaux réacteurs conformément au discours de Belfort du Président de la République.
  • En 2050 avec les hypothèses du scénario N03 de RTE, le plus compétitif, et également en conformité avec le discours de Belfort.

Il est évident que de telles variations ne seront pas compensables sans écrêtements de ces sources intermittentes à certaines périodes.  Les courbes rouges montrent que le niveau de puissance pilotable devra rester, a minima, au niveau de l’appel de puissance en toutes saisons. C’est ce qui est constaté en Allemagne qui, pour un appel maximal de puissance de 85 GW, a dû conserver plus de 100 GW de puissance pilotable tout en portant la capacité totale à 230 GW :  l’ajout de puissance intermittente, de 125 GW aujourd’hui, est venu en complément et non en remplacement de la puissance pilotable

De plus, les vitesses d’évolution de la puissance générées par les moyens de production intermittents vont devenir difficilement compatibles, voire incompatibles, avec celles des moyens pilotables. Sauf écrêtage des puissances délivrées les variations de puissance en 5 heures vont devenir considérables :  souvent une quinzaine de GW à la montée comme à la baisse en 2030, encore à la limite du gérable en hiver grâce à la manœuvrabilité du parc nucléaire, mais pas en été, avec une puissance appelée faible et un parc centrales pilotables en phase de maintenance ou de rechargement. En 2050 les fluctuations de puissance seront fréquemment, dans les mêmes conditions, d’une quarantaine de GW en 5 heures, et au maximum de 80 GW, ce qui ne sera plus gérable sauf écrêtement radical des ENR intermittentes et effacements massifs.

Ces variations sont plus faibles en hiver, de novembre à février, essentiellement en raison de la faiblesse du solaire. Comme tous les gouvernements européens affichent des développements ambitieux du solaire, le pilotage des réseaux électriques européens deviendra de plus en plus acrobatique en été, avec un soleil dominant et une consommation relativement faible. C’est ce que montre la figure ci-dessous, avec une production intermittente qui, en France comme chez nos voisins, dépasse souvent largement l’appel de puissance. La capacité pilotable, qui intègre en positif des productions, et en négatif des effacements ou du stockage, doit varier au-delà du possible : la mise en œuvre d’écrêtements généralisés (à quel prix ?), de moyens de stockage massif ou de suivis de charge de fortes amplitudes est encore loin d’être démontrée au niveau requis.

On peut de plus s’inquiéter de la fragilisation de la compétitivité des moyens pilotables de base , contraints à s’effacer régulièrement: le maintien des conditions actuelles ne sera probablement plus supportable bien avant 2030. Il faut se préparer, concernant l’électricité intermittente, à :

  • Organiser la suppression ou une réduction sensible de l’obligation d’enlèvement de la production intermittente, sans compensations financières (puisqu’elles se disent compétitives).
  • Préparer la sortie des obligations d’achat à prix fixe (qui sont encore nombreuses, y compris pour l’éolien terrestre en application de l’Arrêté de 2017, voir Annexe 3), ou aux contrats pour différence.
  • Leur donner une responsabilité réelle d’équilibrage du réseau (contribution aux réserves).
  • Leur appliquer une participation au coût du transport tenant mieux compte de la puissance véhiculée et non de la seule énergie transférée (c’est particulièrement vrai pour la pseudo-autoconsommation).

Le développement considérable du solaire ne va qu’amplifier cette tendance et déplacer les difficultés de la période hivernale à la période estivale, sauf production massive d’hydrogène, mais à quel prix ?

Des réserves pour le futur : les évènements de septembre 2021, avec un déficit d’éolien d’une douzaine de %, montrent que les réserves actuelles aux deux niveaux français et européens vont devenir très insuffisantes. D’une part, la capacité de correction des baisses de fréquences par les groupes tournants des centrales pilotables va progressivement diminuer, et d’autre part les puissances mises en réserve pour amortir l’impact d’incidents (réserves rapides et complémentaires) vont se révéler bien modestes comparées aux fluctuations des puissances intermittentes

PNC-France estime que qu’une relance d’une politique de type « chasse au gaspi » associée à un besoin accru de flexibilité va s’imposer à court terme, mais cette démarche devra préserver au maximum notre activité économique si on ne veut pas brider l’objectif d’une relance industrielle. Parallèlement, l’organisation du marché européen doit être profondément modifiée avec une vision à long terme prenant en compte les fortes divergences entre pays européens sur les stratégies climatiques à développer. Une politique « sans regrets » au niveau français doit impliquer :

  • Une relance aussi rapide que possible du nucléaire, au-delà sans doute de celle esquissée par le Président Macron à Belfort, car on ne peut garantir les autres voies d’ajustement que sont la flexibilité, les stockages d’électricité et les importations d’hydrogène, encore bien incertaines et qui pourraient accentuer nos dépendances :
  • Une gestion du marché par pays, tenant compte de la réalité des coûts des mix nationaux.
  • Un ordre de mérite intégrant les caractères émissifs.
  • Une prise en compte de la réalité de la contribution de notre industrie à notre approvisionnement électrique, investissements inclus (les composants des moyens de production intermittents sont largement importés).
  • Une gestion dynamique des créneaux tarifaires visant à lisser les courbes des consommations aux niveaux tant quotidien qu’hebdomadaire et saisonnier, en cohérence avec les capacités de suivi de nos moyens de production.
  • Deux niveaux de réserves à l’échelle européenne, le premier avec une dynamique rapide pour faire face aux incidents (proche des réserves actuelles), et le second adapté à la dynamique d’évolution des productions intermittentes européennes et à leurs saisonnalités, dont le niveau peut devenir considérable et ne semble pas avoir été évalué correctement aujourd’hui par les modèles. La participation de chaque pays à cette dernière réserve doit tenir compte de la réalité des déséquilibres entre ses capacités pilotables (incluant les flexibilité garanties) et ses capacités aléatoires.

 

Une remobilisation de l’industrie française s’impose, respectant le principe de subsidiarité reconnu par l’Europe pour le domaine de l’énergie. Le sujet est complexe et donnera lieu à des ajustements nombreux, mais il est nécessaire de partir de principes clairs, dont la pertinence doit être exposée à l’UE.

  • L’industrie doit retrouver son rôle d’investisseur: il faut que le service rendu, (production d’électricité en base, réserve de capacité, suivi de la charge du réseau, effacement…) soit reconnu à son juste prix. Aujourd’hui, les avantages accordés aux uns et les obligations imposées aux autres rendent tout investissement en faveur de la sécurité d’approvisionnement non rentable, ce qui est potentiellement catastrophique.
  • On ne peut dans les conditions actuelles que confirmer RTE dans son rôle, chargé par l’État de veiller à l’équilibre production-consommation de la production d’électricité à toutes les échéances de temps. Cette fonction prospective doit pouvoir s’appuyer sur des règles scientifiques transparentes, incompatibles avec les interventions intempestives et politiciennes des gouvernements qui faussent les prévisions, comme cela s’est produit depuis une quinzaine d’années. Il faut y mettre fin et redonner à RTE les moyens de remplir son rôle de prévisionniste (en toute indépendance), celui-ci ne pouvant souffrir de prises de risques incompatibles avec une activité de long terme.
  • Le rôle du gouvernement, incitatif, est de mettre en place des conditions qui ne brident pas des investissements indispensables, sous des prétextes idéologiques ou sous la pression de ses propres difficultés .
  • Le rôle stratégique d’EDF doit être conforté, comme producteur de masse d’électricité nucléaire et hydraulique, constituant le socle majoritaire de la production française d’électricité de base qui constitue et doit continuer à constituer un atout irremplaçable pour l’avenir en termes de décarbonation de l’électricité et d’indépendance nationale. Toute réorganisation d’EDF devra en tenir compte, sans lui interdire de se développer également dans les ENRi. Mais ce ne sera possible que si on lui rend une pleine gouvernance de ses investissements, en reconstituant ses capacités d’autofinancement et en lui donnant les moyens d’investir à un taux cohérent avec des engagements à long terme, sans interventionnisme disproportionné des représentants de l’État dans son Conseil d’administration. EDF doit redevenir un véritable industriel, portant une responsabilité essentielle dans la sécurité d’approvisionnement, quelle que soit la forme juridique retenue.
  • Dans le cadre de la future Loi de Programmation Energie et Climat il est devenu nécessaire de se poser la question d’une optimisation de l’investissement global pour le climat dans la perspective du respect des engagements pris, ce que la LTECV, la SNBC et la PPE n’ont pas permis. L’urgence est dans le climat et non dans la poursuite d’une course aux investissements dits « verts » à tout prix. Il faut trouver l’équilibre le plus efficace des points de vue économique et indépendance nationale entre décarbonation (par l’électricité et les ENR thermiques), et actions d’efficacité énergétique, dans un cadre de réindustrialisation forte visant à réduire notre empreinte carbone.

Une nécessaire remise à plat de l’élaboration des prix de production

La crise des prix de l’électricité s’est développée en Europe en septembre 2021 ; bien avant la crise ukrainienne et l’indisponibilité imprévue d’une douzaine de réacteurs en France. Les régulateurs européens proposent de modifier la méthode de fixation du prix de gros, actuellement au coût marginal de la dernière centrale mobilisée en Europe, par un mode de calcul alternatif qui serait fondé sur le prix moyen pondéré du mix de production européen.

Cette proposition, si elle était retenue, réduirait l’impact de la crise mais ne règlerait pas sur le fond la question d’une gouvernance européenne défaillante. Les stratégies énergétiques des pays européens sont largement divergentes et se sont développées sans concertations. C’est pourquoi PNC-France considère que les prix de gros devraient être établis par pays, en fonction de leur mix réel et de de l’importance de leurs marges de manœuvre. La France pourrait ainsi bénéficier pleinement de la compétitivité de son mix, sous réserve de rétablir au niveau nécessaire sa capacité pilotable. Dans cette logique :

° Les prix et volumes des importations seraient alors intégrés à la moyenne pondérée du mix français, ce qui reviendrait à traiter les importations comme des « moyens extérieurs de production »

° Les exportations se feraient à des prix à définir en fonction de la demande interne et export et des moyens de production disponibles.

° Les procédures d’échanges entre pays doivent progressivement évoluer afin d’éviter des surinvestissements considérables, dans les moyens de production et dans les réseaux de transport et de distribution ;

° Les priorités actuelles d’accès de l’électricité intermittentes devront être modulées pour limiter les amplitudes des cinétiques d’évolution de ces productions et préserver la stabilité des réseaux et la compétitivité des énergies pilotables, qui resteront indispensables ;

° Les principes mêmes d’évolution des « réserves » transfrontalières devront évoluer pour prendre en compte la variabilité de l’électricité intermittente en Europe, dont l’importance va largement dépasser celle des réserves actuelles pour faire face aux incidents. La compensation de cette variabilité intermittente devra trouver son moyen de financement aux deux niveaux nationaux et européens, en tenant compte des spécificités nationales.

Ces chantiers, majeurs et complexes, n’ont pas la même urgence que la modification à court terme du marché de gros, mais ils ne seront pas neutres sur les futurs prix de l’électricité et doivent être ouverts sans tarder.

C’est à ce prix que nous pourrons retrouver à moyen terme une alimentation robuste, en faveur de la réindustrialisation du pays et de l’équilibre de notre balance commerciale. Il faut rapidement aider EDF à retrouver un niveau de production nucléaire nominal, en faisant en sorte que l’Entreprise retrouve un niveau satisfaisant d’autofinancement de ses investissements futurs (PNC-France s’est régulièrement opposé au principe même de l’ARENH et a clairement remis en cause l’utilité des officines de revente sans valeur ajoutée car elles n’investissent pas dans les moyens de production pilotables).  La lourdeur des procédures d’autorisations doit être réduite à un niveau supportable pour limiter des frais financiers devenus prépondérants, et la France doit faire reconnaitre à l’Europe la nécessité de financements adaptés à des projets à très long terme, nucléaire inclut.

Lire l’intégralité de l’étude de Jean-Pierre PERVÈS et Georges SAPY au format PDF :

PNC-France analyse la situation de crise actuelle – Imprévision, manque d’analyse, immobilisme de la pensée

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