Panique sur le climat : l’Agence internationale de l’énergie dérape !
POINT DE VUE PNC-France : Jean Pierre PERVES
Le nouveau scénario de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) pour 2050 est révélateur des forces qui dominent le monde de l’énergie aujourd’hui : des industriels qui ont compris les bénéfices colossaux à glaner dans des énergies renouvelables subventionnées et prioritaires, et des idéologues qui dominent les média, tétanisent le monde politique et mettent le climat entre parenthèse dès que le nucléaire, analysé pragmatiquement, s’impose comme essentiel pour lutter contre le changement climatique. Il en résulte un scénario de rupture de l’AIE, principalement au service des énergies renouvelables électriques, éolien et solaire, et très timide vis-à-vis du nucléaire. Quand la lâcheté politique domine dans de nombreux pays, l’idéologie, antinucléaire en l’occurrence, pèse sur les analystes de l’AIE. Leur scénario oublie trop le climat et le bien-être de la population, minimise les difficultés résultant de productions d’énergies non contrôlables, et se met trop clairement au service des spéculateurs des énergies renouvelables et de l’écologie politique.
TEXTE : Agence Internationale de l’Energie (AIE) Panique sur le climat par Jean-Pierre Pervès
Dans son dernier rapport, « Net Zero by 2050 », visant à maîtriser la dérive climatique et rédigé à la demande de la « Conférence mondiale sur l’énergie », l’AIE ne peut que constater que les objectifs de réduction des gaz à effet de serre sont loin d’être acquis. Dans le secteur de l’énergie[1], les émissions repartent à la hausse en 2021, et l’AIE admet que la tâche conduisant à la neutralité carbone est « monumentale », avec un presque triplement de la production d’électricité d’ici 2050 au niveau mondial.
La politique actuelle se révélant inefficace, que recommande l’AIE pour le monde entier ? De la poursuivre en septuplant d’ici 2030 la production d’électricité intermittente, éolienne et solaire, en multipliant par 18 le nombre de véhicules électriques et en diminuant de 4 % par an notre intensité énergétique[2]. Et, en se projetant en 2050, l’AIE constate que la limitation à 1,5 °C de l’augmentation de température ne sera pas atteinte, qu’elle sera au mieux de 2,1 °C, que les émissions de GES seront encore importantes alors que la demande globale en énergie aura diminué de 8 % (malgré les 2 milliards de Terriens supplémentaires,) et que la production d’électricité intermittente, non garantie, aura encore plus que triplé par rapport à 2030.
Derrière ce scénario apparaissent des affirmations très optimistes sur la disponibilité industrielle de technologies encore embryonnaires (séquestration du CO2, bio fuels de seconde génération, petits réacteurs, hydrogène décarboné) dans la perspective 2030, et des paris hasardeux, qui doivent tous réussir, pour 2050 (appel massif au vecteur hydrogène, capture directe du CO2dans l’air, constructions à stockage de chaleur intégré, …).
Les obstacles, majeurs compte-tenu de l’importance des évolutions proposées, sont bien sûr identifiés par l’AIE, mais le scénario les considère franchissables, sans que des alternatives crédibles ne soient proposées. Quelle sera l’acceptabilité sociale de tels bouleversements alors que la consommation d’énergie finale est supposée diminuer de 10 % en 2030 puis de 20 % en 2050 (réf. 2019), quelle sera la disponibilité en matériaux, technologies et compétences, dans le dix prochaines années ? Les projections optimistes sur le coût de cette transition d’ici 2050 sont-elles crédibles ? De nombreuses questions restent en suspens et il faut souligner :
– d’une part, l’importance de ce que fera le bloc des pays qui représentent l’essentiel des émissions de CO2 (Chine, USA, Inde, Russie, Allemagne), soit près de 60 % des émissions mondiales en 2019, pays qui tous bénéficient encore de réserves considérables de combustibles fossiles,
- et, d’autre part, de ce que sera l’évolution de pays « frugaux » comme ceux d’Afrique, mais avec une forte croissance des populations et un recours massif aux énergies fossiles.
L’AIE confirme que l’électricité sera essentielle dans le futur mix mondial, avec des évolutions spectaculaires en 2030 et 2050 par rapport à 2019 :
– Une consommation qui augmente de 38 % puis de 264 %,
- Une part des énergies renouvelables qui fait plus que tripler puis est octuplée,
- Une part de l’électricité intermittente, solaire et éolienne, qui est multipliée par 7,2 puis 23, pour représenter les deux tiers de la production totale d’électricité en 2050.
L’intermittence devient la question centrale de la gestion des mix électriques, avec des besoins massifs de stockage (hydrogène ?), et de forte contraintes sur les usages. La part du nucléaire, pourtant décarboné et pilotable, bien que doublant, reste limitée à 8 % de la production, et son taux de financement reste fixé à 8 %, soit environ le double de celui des autres énergies. C’est un handicap certain qui révèle un clair désintérêt du long termedans une période où les taux d’intérêt sont très bas :un taux raisonnable ne devrait pas dépasser 4%. Et on peut se demander sous quelles pressions l’AIE affiche ce chiffre alors que ses économistes en connaissent parfaitement les conséquences, financières bien sûr mais surtout industrielles.
Que se profile-t-il derrière ces projections hasardeuses ? Très probablement, une fois l’échec confirmé, dans quelques années, un monde à deux vitesses selon le poids des idéologies dans chaque pays et leurs niveaux technologiques.
- Un monde qui développera le nucléaire, seule alternative raisonnablement assurée avec l’hydraulique, la biomasse étant limitée par sa ressource et les conflits d’usage : il comprend principalement la Chine, l’Inde, les USA, la Russie, une partie des pays européens (dont la France ???), soit 40 % de la population, à condition que l’industrie nucléaire retrouve son efficacité et que les contraintes administratives qui la brident redeviennent raisonnables. L’Europe continuera-t-elle à être à la traîne par rapport aux pays majeurs ?
- Un monde qui n’a pas d’autre solution qu’espérer une aide financière massive du précédent pour s’adapter à un approvisionnement en énergie qui fera appel à des technologies exigeant de fortes compétences, contrairement aux idées reçues, s’il veut maîtriser son économie et apporter à sa population un accès fiable à l’énergie, l’électricité principalement et ses innombrables usages. Mais aussi un monde qui risque de voir ses ressources exportées vers le monde le plus développé, soucieux par exemple de préserver sa biodiversité.
Cette publication de l’AIE ne peut que nous rappeler la médiatisation fracassante d’un scénario pour la France élaboré par Réseau de Transport d’Electricité en coopération avec l’AIE, présenté en janvier 2021, pour lequel, plus prudent, le Président de RTE indiquait que tout restait à faire pour permettre l’intégration d’une proportion très élevée d’énergies renouvelables intermittentes, avec « quatre ensemble de conditions strictes et cumulatives »comprenant la stabilité du système électrique, le stockage massif de l’énergie électrique avec une flexibilité extrême des usages, d’importantes réserves de sécurité et une extension considérable des réseaux. Ces remarques s’appliquent plus encore à l’étude de l’AIE qui prend en compte la totalité de la planète avec des pays en voie de développement représentant 60 % de la population.
PNC-France rappelle une fois de plus que le nucléaire, énergie remarquablement décarbonée, représente pour un pays comme la France la possibilité d’échapper à la folle incertitude technologique, industrielle et sociale de tels programmes. Il est temps que les atermoiements politiques des dernières décennies laissent la place à une politique nucléaire dynamique, au service du pays et du monde. Comme le disait en janvier le même Directeur général de l’AIE qui vient de présenter ce nouveau rapport de l’AIE pour le monde, le Dr Fatih Birol, « Fermer les centrales nucléaires françaises serait une erreur. L’énergie nucléaire est un atout national pour la France. Ces dernières décennies, son développement a été une des composantes de la croissance économique française et sur le plan technique, elle a prouvé qu’elle fonctionne à grande échelle […] L’objectif d’atteindre zéro émissions à 2050 est un défi herculéen. Nous n’avons pas le luxe de nous priver de l’une ou l’autre des énergies propres ».
[1]Le secteur de l’énergie représente 75 % des émissions mondiales de CO2, dont 41 % pour l’électricité
[2]L’intensité énergétique est un indicateur désignant le rapport entre la consommation d’énergie d’un pays et son produit intérieur brut (PIB).
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