Le sommet européen
Le sommet européen du 11 et 12 décembre devrait examiner les propositions du « Pacte vert » de la Commission Européenne. Celle-ci propose une baisse ambitieuse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Sauvons Le Climat a donc adressé au Président de la République une lettre pour l’alerter sur l’application du principe de subsidiarité, sur l’équité des efforts demandés aux États Membres, sur la place du nucléaire dans les investissements soutenus et enfin sur la protection du patrimoine que représentent nos barrages hydroélectriques.
Monsieur le Président de la République,
Le sommet européen du 11 et 12 décembre devrait examiner les propositions du « Pacte vert » de la Commission Européenne. Celle-ci propose une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, en incluant les puits de carbone[1]. Le Parlement européen, plus ambitieux encore, propose une baisse de 60 % et a, presque simultanément, voté (avec le soutien de députés français !) la reconnaissance du gaz naturel, importé pour l’essentiel, comme « énergie propre », ce qui semble bien contradictoire !
Lors de ce sommet quatre points, essentiels pour la France, mériteraient d’être ardemment défendus, et nous savons que vous seul pouvez porter ces messages :
· La réduction des émissions de gaz à effet de serre, devrait bénéficier d’une forte priorité au niveau européen, risque climatique oblige, avec la préservation d’un niveau raisonnable d’indépendance énergétique. Les autres objectifs, techniques, contribution des énergies renouvelables et réduction des consommations d’énergies finales et primaires, ne devraient relever, au titre de la subsidiarité, que de politiques nationales cohérentes avec les mix énergétiques du pays[2]. En effet, en fonction de ces mix, certains des objectifs techniques proposés par la Commission Européenne peuvent se révéler contraire à l’objectif climatique, en France en particulier[3]. Faut-il rappeler que le traité de Lisbonne confirme la responsabilité des États membres sur leur politique de l’énergie, ce qui doit leur laisser le choix des moyens d’atteindre l’objectif de baisse des émissions ?
· Les objectifs d’émissions en 2030 de Gaz à Effet de Serre (GES) par pays devraient prendre en compte la réalité actuelle, l’année 2019, avec un horizon de convergence des émissions par personne à moyen terme. En effet, l’application à la France d’une réduction de 55 %, alors qu’elle est déjà plus performante que de nombreux pays, serait hors de portée. Elle impliquerait une réduction moyenne de nos émissions de 4,4 % par an dans les dix prochaines années, 7 fois plus rapide que pendant les 30 dernières années[4], alors que la nécessité de réindustrialiser notre pays fait évidence.
· Il est inacceptable que le nucléaire, pourtant identifié parmi les nouvelles technologies qui ont un « potentiel de réduction massive des émissions à long-terme » n’ait pas encore été accepté dans la taxonomie. La France contribue à la solidité du réseau électrique européen et à sa performance climatique, grâce aux investissements considérables consentis depuis des décennies, avec le nucléaire bien sûr. Comment le gaz pourrait-il bénéficier du « Fonds de transition juste », et non un nucléaire décarboné et qui bénéficie d’un cycle de vie maîtrisé, jusqu’aux déchets ultimes.
· Il serait inacceptable que nous puissions perdre le contrôle de nos barrages, essentiels à l’équilibre de notre réseau, ce qui n’est pas imposé par la Direction de la concurrence européenne à tous les autres pays européens.
Au niveau mondial la France pèse peu (1 % des émissions de CO2) et est fragile économiquement. Elle doit bénéficier au mieux de ses investissements passés et il est anormal que la référence à 1990 pour les émissions soit conservée, car non pertinente compte tenu du biais que représente l’évolution des pays et régions issus du bloc soviétique. La référence pour les objectifs 2030 devrait être la dernière année connue, 2019. Notre électricité est systématiquement attaquée au sein de l’Europe, avec l’appui des puissants lobbies du gaz et des énergies renouvelables intermittentes, parfois avec le soutien de nos ministres successifs de la transition énergétique.
Pourtant, nos résultats sont malheureusement encore très décevants dans des secteurs essentiels. À titre d’exemple, sur les cinq dernières années, les émissions de CO2 du secteur du transport (40 % des émissions totales) sont quasi stables, et celles du bâtiment (22 % des émissions totales) n’ont baissé que de 6 %[5], essentiellement en raison d’années très clémentes. Seule la solidité de nos énergies nationales, nucléaire, hydraulique, bioénergies peut porter nos ambitions, avec des efforts d’efficacité énergétique que notre patrimoine historique rendra incertains.
L’autorité des États en matière de politique énergétique est systématiquement battue en brèche par la Direction européenne de la concurrence et par des voisins s’inquiétant de la compétitivité de notre électricité. C’est inacceptable.
Il est nécessaire, Monsieur le Président, que le gouvernement reprenne en main la vision énergétique à long terme du pays, dans le respect d’objectifs climatiques réalistes, ainsi que les négociations au niveau européen. Le Ministère de la Transition Écologique reste malheureusement aujourd’hui porteur d’une politique idéologique ruineuse et sans résultats notables, déclinée dans la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) et la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE). Elle a généré une forte précarité énergétique.
Vous pouvez, Monsieur le Président, redresser la barre en faisant de la France une référence dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, tout en maintenant son indépendance industrielle et énergétique. Pour cela, il faut quitter les chemins de dérive qui nous amènent à sacrifier nos atouts et à importer massivement des technologies aléatoires.
Comme vous l’avez rappelé à juste titre, Monsieur le Président, nous sommes la France. Soyons fiers de ce que nous sommes, soyons fiers de notre héritage technologique, hérité de nos parents et de nos grands-parents. Vous seul avez le poids politique capable d’orienter l’Europe vers une politique climatique réaliste, pragmatique et efficace.
Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Éric MAUCORT
Président de « Sauvons le Climat »