POINT DE VUE DE PNC-FRANCE, par Jean Pierre PERVES, Groupe d’experts de PNC
La France médaille d’or : de l’électricité pour des millénaires ?
Quand nos politiques, nos médias, et avec eux les français comprendront-ils que la France est un détenteur de niveau mondial d’une ressource énergétique fabuleuse capable de nous offrir de façon totalement autonome une électricité pour des millénaires? Et elle serait « durable », « décarbonée », capable de produire quand on en a besoin. C’est ce que démontre Dominique Grenèche, un expert de niveau mondial, dans un livre qui vient de paraître :
« Les réacteurs surgénérateurs, pourquoi ? Comment ? Quand ?– Plaidoyer pour un avenir énergétique durable et propre ».
Le propos est de montrer que le déploiement à grande échelle des Réacteurs surgénérateurs à Neutrons Rapides, les RNR, est essentiel pour assurer durablement notre approvisionnement énergétique, au bénéfice des générations futures. Il faut engager dès maintenant un programme vigoureux de développement.
Nous savons aujourd’hui que le vecteur électrique sera essentiel si nous voulons transformer notre mix énergétique, encore largement dépendant des combustibles fossiles (à plus de 60 % aujourd’hui). Nous savons que les ressources hydrauliques, ainsi que la biomasse, sont limitées. Nous savons encore que l’éolien et le solaire présentent le triple inconvénient d’une intermittence qui demande de lourds investissements pour pallier leur irrégularité de production, d’une durée de vie limitée des installations et d’un appel à des quantités considérables de composants et de matériaux, souvent importés. Nous savons enfin que les réacteurs nucléaires actuels, les réacteurs à eau pressurisée ou bouillante, ne savent utiliser qu’une fraction très faible de l’uranium naturel.
Différer le développement des RNR serait prendre le risque qu’ils ne soient pas au rendez-vous pour se substituer aux réacteurs nucléaires actuels qui utilisent comme seul « carburant » une faible partie de l’uranium naturel, dont les ressources exploitables vont fatalement se raréfier au tournant de ce siècle. Ce livre vise donc à apporter et à analyser tous les éléments qui justifient cette nécessité. Ils sont étayés par des faits et des chiffres qui sont incontestables, tout au moins pour « l’honnête homme ».
PNC-France a décidé de promouvoir ce livre, clair et écrit pour de non spécialistes. Il mérite d’être largement diffusé au bénéfice de citoyens, journalistes et responsables politiques qui ont compris que l’énergie est le sang de la société moderne, et que l’État à le devoir d’avoir une vision à long terme pour assurer une production robuste de l’électricité, vecteur énergétique du futur.
L’article joint présente en quelques pages les éléments essentiels présentés et démontrés dans ce livre : qu’il vous incite à aller plus loin dans votre réflexion en allant consulter ce livre indispensable et optimiste.
C’est pourquoi il est mis en ligne en accès libre sur internet, avec l’accord de l’auteur. Cliquez, vous ne le regretterez pas !
https://www.pnc-france.org/les-reacteurs-nucleaires-surgenerateurs/
ou
https://heyzine.com/flip-book/974a3bfe81.html
ILLUSTRATION
Nicolas WAECKEL
Septembre 2024
Les JO de l’énergie : une médaille d’or assurée
pendant des millénaires pour la France
Par Dominique GRENÊCHE – Docteur en physique nucléaire, Groupe d’experts de PNC-France
Derrière ce titre intrigant se cache une vérité irréfutable : notre pays a la chance de posséder les meilleurs atouts au monde pour déployer rapidement un moyen totalement autonome de production d’électricité, pilotable, durable, propre, et « climate friendly ». Or le vecteur électrique est le vecteur énergétique du futur en substitution aux combustibles fossiles avec l’électricité hydraulique et les énergies renouvelables électriques, éolien et solaire dont la production est aléatoire. Cet article présente en quelques pages mon nouveau livre, dont la diffusion est proposée par Patrimoine Nucléaire et Climat France (PNC-France). Grâce à ce soutien il est en accès libre sur internet : consultez-le en toute liberté, partagez-le
La mise en ligne en accès libre sur internet est faite en accord avec l’auteur. Cliquez, vous ne le regretterez pas !
https://www.pnc-france.org/les-reacteurs-nucleaires-surgenerateurs/
ou
https://heyzine.com/flip-book/974a3bfe81.html
De quoi s’agit-il ?
Ce sont des réacteurs nucléaires à neutrons rapides (RNR) de quatrième génération, dits « surgénérateurs » car ils fabriquent plus de matière énergétique qu’ils n’en consomment pendant leur fonctionnement. Pour comprendre l’origine de ce phénomène exceptionnel, il suffit de savoir que certains noyaux atomiques fissiles comme l’uranium, impactés par un neutron ayant une très grande vitesse, produisent bien sûr de l’énergie, mais aussi un excédent de neutrons suffisant pour créer un nouveau noyau fissile, le plutonium ( un noyau du principal isotope de l’uranium, l’U238 dit fertile, capture un de ces neutrons). C’est un peu comme si une voiture à moteur thermique fabriquait en roulant du carburant de synthèse en quantité supérieure à celle qu’elle consomme !
Pour pouvoir mettre en œuvre ce processus unique de surgénération, il faut d’abord concevoir et construire des réacteurs à neutrons rapides (RNR), différents de nos 58 réacteurs à eau pressurisée actuels (REP,) mais dont on maîtrise la technologie grâce aux travaux de recherche et de développement de grande ampleur réalisés par la France dans le passé. Ces travaux ont été couronnés par la construction et l’exploitation de deux réacteurs nucléaires électrogènes. Le premier, Phénix (250 MWe), a fonctionné pendant 36 ans et a permis ainsi d’engranger une moisson considérable de connaissances et de résultats. Il a démontré notamment la faisabilité globale de la surgénération à une échelle semi-industrielle, avec plus de 3 tonnes de plutonium recyclés dans le cœur du réacteur. Le second fut, à l’époque, le plus puissant réacteur nucléaire au monde (1200 MWe). Il a été détruit en plein vol pour des raisons purement politiciennes. Tout fut tenté par les scientifiques pour le maintenir en exploitation, mais sa sentence de mort sera prononcée en 1998 par l’impitoyable procureure Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement, qui venait de succéder à une Corinne Lepage tout-aussi antinucléaire dogmatique. Citons simplement les propos du maire de Morestel (commune voisine de Creys-Malville) : « Superphénix doit mourir parce que la politique, pire que l’idéologie, est passée par là. Tout le reste n’est que littérature dans un théâtre d’hypocrisie ».
Comment oublier face à ce désastre que tous les grands pays industriels ont développé des programmes RNR (y compris l’Allemagne !). Au total, ce sont 14 réacteurs de puissance qui ont été construits et exploités dans le monde, ce qui a permis de cumuler une solide expérience de près de 500 années-réacteurs.
Mais les réacteurs eux-mêmes ne suffisent pas car il faut, indépendance énergétique oblige, disposer de la ressource, cet uranium 238 d’origine naturelle. Il faut aussi développer des procédés et construire des installations industrielles permettant de retraiter les combustibles usés (et radioactifs) afin d’en extraire le plutonium créé dans le réacteur et le recycler dans ce même réacteur. Et il est enfin indispensable de gérer les déchets qui, comme dans toute industrie, sont généré par l’activité industrielle. Or la France est très bien placée dans tous ces domaines, ce qui est unique au monde:
- elle possède un énorme stock d’U238 (340 000 tonnes à ce jour) qui constitue la quasi-totalité de l’uranium dit « appauvri », lequel est un sous-produit issu de nos usines d’enrichissement de l’uranium. Ce stock est une assurance vie pour l’approvisionnement énergétique de notre pays. En effet, en supposant la transformation en plutonium de la quasi-totalité de l’uranium 238, puis une combustion optimale dans le RNR, on démontre très simplement que ce stock peut assurer de manière réaliste une production d’énergie nucléaire au niveau actuel pendant environ 5000 ans.
- Elle possède un savoir-faire inégalé grâce à ses installations industrielles actuelles. Elle poursuit à Pierrelatte, dans l’usine d’enrichissement de l’uranium Georges Besse (dont la capacité se situe au 3ème rang mondial), la séparation l’U 238 qui sera nécessaire et le transforme en un matériau aisément stockable pour des siècles, chimiquement stable et incombustible (un oxyde d’uranium). Elle traite les combustibles usés des réacteurs actuels, avec une usine unique au monde par sa capacité, qui fonctionne depuis près de 50 ans sur le site de La Hague (près de Cherbourg). Elle y extrait le stock initial plutonium qui sera indispensable au démarrage de cette nouvelle filière. Elle exploite parallèlement depuis 20 ans une usine de grande capacité, appelée MELOX, qui permet de fabriquer les assemblages combustibles mêlant uranium et plutonium (combustible baptisé MOX), destinés à alimenter nos réacteurs REP. Cette technologie est applicable aux réacteurs rapides comme démontré dans le passé dans des usines pilotes de fabrication des combustibles de Phenix et Superphénix. Elle a enfin développé une technologie robuste de fabrication de colis de déchets par vitrification, qui pourront être stockés dans le futur site de stockage géologique CIGEO.
Bref, la France est le seul pays au monde à avoir développé à ce niveau l’ensemble des briques technologiques et industrielles offrant une électricité, vecteur énergétique du futur, sûre et durable au sens onusien du terme, en un mot responsable. Elle détient un jackpot dans le domaine énergétique à condition bien sûr que la question soit gérée au bon niveau de l’État, sans préjugés idéologiques. Elle s’affranchirait progressivement de ses importations d’uranium naturel, dont les ressources exploitables vont inéluctablement se raréfier au tournant de ce siècle, et des aléas géopolitiques susceptibles de générer des tensions majeures sur le marché.
Mais il faut pour cela s’y prendre dès maintenant, car le rythme de déploiement de tels réacteurs est limité par diverses contraintes liées aux capacités industrielles et à la disponibilité du plutonium nécessaire au démarrage de nouveaux RNR. Attendre ferait courir le risque de perdre tous les bénéfices de la stratégie d’anticipation suivie jusqu’alors, et de la présence en toute propriété sur notre territoire de cette ressource énergétique. De grands pays comme la Russie, la Chine et même l’Inde, soucieux de leur avenir énergétique et de leur environnement (pollué aujourd’hui par l’utilisation massive de combustibles fossiles), ne s’y trompent pas et se lancent dès maintenant dans la réalisation d’un programme ambitieux de développement de RNR. D’autres pays, oubliant leur opposition au nucléaire, tentent de revenir au nucléaire durable par la voie de petits réacteurs de 4ème génération, mais sont encore bien loin de maîtriser toutes les étapes de cette technologie
Pendant ce temps-là notre pays tergiverse, faute d’une volonté politique qui lui permettrait de passer outre les oppositions encore tenaces à l’énergie nucléaire, héritées d’idéologies obsolètes. Financer la relance de ce programme est tout à fait à la portée d’un pays comme le nôtre en comparaison des investissements et subventions considérables affectées aux énergies renouvelables intermittentes et aux technologies indispensables à la correction de leur irrégularité de production. L’assurance pour les générations futures de disposer d’une électricité décarbonée nationale, pilotable, au service de l’activité économique doit être enfin prise en compte. Notre pays a besoin de stratèges, pas de chefs comptables.
Pour conclure, nous reprenons cette phrase attribuée à Sénèque (mais apocryphe) : « le temps viendra où nos descendants s’étonneront que nous ayons méconnu de telles évidences ». Et nos décideurs, le sont-ils, devraient méditer cette déclaration du Général MacArthur « Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard ! ».