POINT DE VUE DE PNC-FRANCE, par Jean Pierre PERVES, Groupe d’experts de PNC
Le diagnostic de performance environnementale des logements (DPE)
Une trahison vis-à-vis du climat et une injustice sociale
Parmi les difficultés que rencontre notre pays, la difficulté à se loger et ses divers corollaires sont la source de nombreux articles. La construction est en panne, les jeunes ménages et les étudiants ont de plus en plus de difficultés à trouver des logements à louer dans des conditions économiques acceptables, et à ces diverses difficultés s’ajoute l’obligation du retrait du marché de la location des logements classés G, et bientôt des logements classés F, selon la règle définie par le DPE, le « Diagnostic de Performances Énergétique ». Ce sigle, qui n’a plus rien de mystérieux compte tenu de l’abondance des articles sur le sujet, se révèle être une bombe à retardement, car établi sur la base d’une idéologie anti-nucléaire, devenue anti-électricité, d’une agence gouvernementale, l’ADEME.
Son effet social va être dévastateur alors que la situation était déjà difficile. Les auteurs de ce dispositif ont trouvé une parade à la mise en cause de ce DPE par les ingénieurs spécialistes du bâtiment : ils ont accolé le qualificatif de « passoire thermique » aux logements les plus mal classés, qualificatif qui donne à présager des factures de chauffage astronomiques imposées par des loueurs sans scrupules. Tout est en place pour classer l’affaire et masquer la réalité, les « passoires thermiques », indécentes, avec leur cortège de réactions émotionnelles, en sont la preuve.
Oui mais… Est-ce que les auteurs du dispositif avaient réellement l’intention de cibler les logements insuffisamment isolés ou visaient-ils également un autre objectif, inspiré par une doctrine militante ? Que veut-on exactement, éviter l’émission de gaz à effet de serre ? ou éviter des consommations thermiques « théoriques mais non réelles » trop importantes et stigmatiser ainsi les sources d’énergie que certaines idéologies condamnent ? Les logements auxquels on accole le qualificatif infamant de « passoire thermique » sont-ils véritablement déficients quant à leur isolation thermique ? Ces logements conduisent-ils à des factures de chauffage astronomiques ? Nos investigations conduisent à des conclusions qui vont à l’encontre des idées reçues et des exigences liées à l’application du dispositif DPE, tout particulièrement pour les logements chauffés à l’électricité.
Pourquoi ? Le quart des logements, chauffés à l’électricité, voient leur consommation réelle multipliée d’office par un facteur 2,3 par rapport à ceux chauffés au gaz ou au fioul. Cette consommation fictive calculée dans le dispositif DPE, n’est absolument pas de la responsabilité des propriétaires ou des locataires des logements chauffés à l’électricité. La conséquence, dévastatrice pour ce type de logements, est une obligation de travaux très coûteux, touchant en priorité des logements occupés par des familles à faibles revenus, logements qui pourraient être retirés du marché devant le coût des rénovations, amplifiant ainsi la crise du logement.
L’article qui suit de Jean-Pierre Robin, « Le DPE, la police de la pensée et la novlangue »,
donne un éclairage sur ce scandale d’État en s’appuyant sur des données disponibles dans des documents publics. Alors que le gouvernement et le Parlement se vantent de leur action pour protéger le climat, ils encouragent les propriétaires de logements à privilégier le chauffage au gaz, fort émetteur de gaz à effet de serre, parce que les idéologues qui ont investi toutes les administrations depuis 15 ans n’aiment pas la plus performante des sources d’énergies vis-à-vis du climat, l’électricité d’origine nucléaire.
PNC-France certifie que la qualité de l’isolation thermique d’un logement ne peut être appréciée qu’en fonction de l’énergie finale consommée. L’évaluer, comme le veut le DPE actuel, sur la base de l’énergie primaire est une aberration scientifique, une injustice sociale. Il est du devoir du gouvernement de modifier en urgence le DPE.
ILLUSTRATION
Nicolas WAECKEL
Février 2025
Le DPE, la police de la pensée et la novlangue
par Jean-Pierre ROBIN
Vous êtes sans doute nombreux à avoir lu « 1984 », livre pamphlet de George Orwell, décrivant les techniques d’un État totalitaire pour annihiler les capacités de pensée autonome de ses ressortissants. Parmi les techniques utilisées, celle de la novlangue, qui impose des mantras répétés par des médias serviles, qui finissent par s’imposer comme un cadre de pensée incontournable emprisonnant les capacités de raisonnement. George Orwell disséquait ainsi les dictatures du milieu du 20e siècle. Tout cela est bien loin pensez-vous, et nous ne sommes plus soumis à de telles entreprises. En êtes-vous vraiment sûr ?
1 – Que penser du terme « passoire énergétique » ?
Voilà une locution choisie à dessein afin d’en détourner le sens et qui est utilisée pour manipuler la pensée avec des conséquences sociales et économiques délétères. Les manipulateurs ont conféré à ce terme une connotation morale et émotionnelle : les passoires thermiques sont du côté du Mal, on leur associe l’image de logements indécents, occupés par des gens ayant de faibles ressources, exploités par des propriétaires bailleurs exploiteurs. Lutter contre les passoires thermiques, c’est lutter pour le Bien contre le Mal, pour le climat contre le réchauffement, pour les pauvres contre les riches… Oui, vraiment ?
Que signifie « passoire thermique » ? C’est un logement dont les caractéristiques d’isolation sont mauvaises et qui présente des échanges thermiques importants avec l’extérieur lorsqu’il existe une différence de température importante entre intérieur et extérieur. Les caractéristiques d’isolation d’un logement se mesurent et dépendent de sa structure, de la nature des matériaux utilisés, de l’épaisseur de ces matériaux, de l’importance de l’interface avec l’extérieur. C’est donc une caractéristique physique propre au logement considéré, indépendante du moyen de chauffage utilisé. C’est ce qui résulte d’une analyse technique logique.
Que nous imposent les manipulateurs de la pensée ? Selon eux, une passoire thermique, n’est pas forcément une passoire thermique au sens technique. Oubliées les lois de la thermodynamique ! Une passoire thermique est, par exemple, un logement qui ne consomme pas le combustible que les manipulateurs souhaitent. Oui, bien sûr, vous allez penser que les modes de chauffage rejetés par les manipulateurs sont les modes de chauffage à combustible fossile à cause de leur rôle néfaste vis-à-vis du réchauffement climatique, ou les modes de chauffage au bois dont les conséquences pour la santé publique sont graves, et qu’en revanche on favorise les modes de chauffage à l’électricité qui ont l’avantage de ne pas participer au réchauffement climatique. Tout faux ! Les manipulateurs ont mis en place un système qui conduit exactement à l’inverse. Ainsi, le chauffage au bois est favorisé et subventionné, alors qu’il est démontré qu’il est plus émetteur de gaz à effet de serre et plus polluant que le charbon, les combustibles fossiles sont considérés de manière neutre, et l’usage de l’électricité, pourtant largement décarbonée en France est fortement pénalisé. Quelle est cette règle absurde ?
La règle absurde prend la forme du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) imposé à tous les propriétaires de logement, qui sont classés en catégories de A à G. Malheur à vous, si votre logement est classé F ou G, vous êtes dans une « passoire thermique », vous êtes dans le camp du Mal et le système mis en place par les manipulateurs va vous punir. Ce n’est pas une plaisanterie, car la punition se chiffre en dizaine de milliers d’Euros dans les modifications à réaliser, ou à une moins-value pouvant atteindre 20% du bien, avec, en plus, une interdiction de louer le logement en question.
Comment fonctionne cette machine infernale ? Le DPE est composé de deux critères, un critère de quantité d’énergie théorique consommée, et un critère de relâchement de gaz à effet de serre (GES), chaque critère est évalué sur une échelle propre et donne lieu à un classement de A à G, et le plus mauvais des deux classements est retenu comme étant le classement du logement considéré. Le diable est dans les détails. Le premier critère, relatif à l’énergie consommée, est celui qui est le plus directement lié à la notion technique de passoire thermique, nous aurions pu en rester là, mais les manipulateurs ont décidé de multiplier l’énergie consommée par un facteur 2,3 pour l’électricité. C’est clairement une pénalité, dont le but est d’attribuer des mauvais classements aux logements utilisant l’électricité, alors même que ces logements présentent évidemment de bons résultats sur le critère climatique. C’est donc un subterfuge, destiné à éliminer du marché des logements en les qualifiant de manière impropre et infamante de « passoires thermiques », alors qu’ils n’en sont pas au sens technique et que ces logements sont vertueux à l’égard du problème du réchauffement climatique puisque notre électricité est décarbonée à plus de 95%. Paradoxalement, les mêmes manipulateurs encouragent publiquement à électrifier les services au nom du climat. cherchez l’erreur !!
2- Regardons les conséquences de cette manipulation.
2-1 : Les conséquences sur le coût pour la société de la tonne de CO2 évitée
s 2011 la France a investi 500 Mds d’Euros dans les performance énergétiques des logements neufs et dans la rénovation des logements anciens pour une réduction de 42,5 Mt de CO2 par an, pendant les 50 ans à venir de ce parc immobilier, soit un coût de 235 Euros par tonne de CO2 évitée. Comparons le coût du chauffage au gaz et à l’électricité pour les ménages. Pour le gaz, il faut compter 170 Euros par MWh efficace avec un système performant, pour l’électricité 210 Euros par MWh en moyenne sur une répartition entre tarif heures pleines et heures creuses. Ainsi l’usage de l’électricité représente un coût supplémentaire de 40 Euros par MWh. Le MWh efficace de gaz correspond à un volume de 103 m3 soit 103 x 0,671 = 69,113 kg de méthane, soit 69,113 / 0,016042 = 4308 moles de méthane, qui produiront 4308 moles de CO2 après combustion, soit 4308 x 0,044 = 190 kg de CO2. Ainsi la substitution du MWh efficace de gaz par l’électricité permet d’éviter 0,190 t de CO2. Ainsi le coût de la tonne de CO2 évitée est de 40 / 0,190 = 210 Euros. Nous sommes donc dans les deux évaluations sur des valeurs proches du coût de la tonne de CO2 évitée, avec néanmoins un résultat en faveur de l’utilisation de l’électricité.
Toutefois, cette évaluation fait abstraction de la souplesse d’usage du chauffage électrique qui permet une adaptation fine de la répartition du chauffage en fonction de la nature des pièces de l’habitation et de leur usage, et qui permet également une adaptation fine et programmable des séquences de chauffage en fonction des temps de présence. Cette souplesse d’utilisation constatée dans les observations sur le parc de logements sociaux amplifie l’écart en faveur du chauffage électrique sur le coût de la tonne de CO2 évitée. Ceci se voit clairement sur les diagrammes montrant la consommation d’énergie en fonction du classement DPE ; dans ces diagrammes, les consommations d’énergie des logements classés F et G sont bien inférieures aux évaluations théoriques du DPE. Nous faisons donc fausse route sur les investissements globaux ; le DPE doit être remis en cause dans son mécanisme de déclassement des logements utilisant l’électricité pour le chauffage.
2-2 : Les conséquences sociales sur le parc de logement
Les conséquences sont dramatiques avec des effets cumulatifs. Le classement F ou G des logements conduit à les retirer du marché locatif sauf à envisager des investissements coûteux, quelquefois irréalisables, que de nombreux propriétaires n’ont pas les moyens de financer. Cela introduit des tensions fortes sur le marché du logement alors que la réalisation de logements neufs est en panne, et que les coûts de construction sont de plus en plus élevés du fait de la profusion de normes, sur les modes de chauffage, sur l’isolation et sur la disponibilité du foncier raréfiée par la loi ZAN (zéro artificialisation nette). Alors que les tensions sont importantes, les limitations administratives diverses, concernant par exemple l’évolution des loyers et la fiscalité foncière de plus en plus lourde, conduisent les investisseurs à se retirer du marché de l’immobilier. Les effets cumulatifs amplifient les difficultés à trouver un logement pour les personnes à ressources limitées alors que les évolutions sociétales nécessiteraient au contraire une offre de logements plus abondante (fractionnement des ménages et coûts des transports).
Regardons quelques chiffres. Le parc de logements sociaux est composé d’environ 5 millions de logements, dont 22% sont chauffés à l’électricité. Environ 21% des logements sociaux ont été classés E, F ou G et nécessitent de lourdes rénovations à court terme, parmi ceux-ci environ 550000 logements sont chauffés à l’électricité, car ils sont surreprésentés dans ces catégories du fait du dispositif DPE décrit ci-dessus, alors que ces logements ne sont pas, techniquement parlant, des passoires thermiques et alors qu’ils ne contribuent en aucune manière à la production de GES. Les chiffres cités proviennent du document « Rénovation énergétique de l’habitat social », p. 6/14, p. 7/14 et p. 9/14 édité sur Xpair, octobre 2019.
En France, les logements sont occupés par 30,4 millions de ménages dont 25% sont des locataires du parc privé, soit 7,6 millions. On peut estimer à 2 millions le nombre de logements du parc privé locatif relevant d’une étiquette DPE F ou G. Parmi ces logements, on peut estimer à 1 million les logements qui utilisent l’électricité pour le chauffage. Il est probable que les organismes en charge du logement social réaliseront les travaux permettant de retrouver des classements DPE A, B, C ou D, en revanche de nombreux bailleurs privés ne réaliseront pas de tels travaux et préféreront retirer les logements du marché locatif. Cela pourrait concerner 1 million de logements, exacerbant ainsi les tensions sur le marché locatif déjà fortement contraint et pénalisant lourdement les personnes à faibles revenus. Parmi ceux-ci, 500 000 utilisent l’électricité et retrouveraient un classement C ou D si la règle absurde de pénalité sur le chauffage électrique était supprimée. Les chiffres cités proviennent du document « Chiffres clés du logement – Édition 2022 » sur Data Lab, p. 6/88 et p. 73/88.
3 – Reprenons le problème dans l’ordre en traitant les priorités
3-1 : Le critère d’émission de GES
Le problème le plus important est celui de la préservation du climat. Cela doit se traduire dans tous les domaines de l’activité humaine en réduisant autant que les techniques le permettent les émissions de GES. Le DPE dans sa composante relative à l’émission de GES est un bon critère qui doit conduire à se détourner des combustibles fossiles pour s’orienter vers des sources d’énergie non carbonées (électricité, pompes à chaleur, géothermie, solaire thermique). Nous sommes plus réservés à l’égard des sources qualifiées de biomasse, ou le biogaz ; en effet, ces sources entrent en compétition avec d’autres usages essentiels, et elles sont extrêmement polluantes en émission de GES mais également par d’autres gaz et particules fines nocives pour la santé publique. Certains considèrent que le bois est une source acceptable car ses émissions de GES, en usage énergétique, seront compensées par une absorption équivalente. Cette assertion est correcte dans la mesure ou la ressource provient d’exploitations gérées pour assurer un réel renouvellement de la masse végétale, mais les conséquences sanitaires doivent être maîtrisées, ce qui implique une combustion complète et une filtration des fumées. Ce n’est envisageable que dans des installations industrielles. Il ne faut cependant pas ignorer l’intérêt de moyens de chauffage individuels performants dans des espaces peu urbanisés et l’intérêt d’utiliser les résidus d’exploitation de forêts exploitée pour le bois d’œuvre. Ces sources d’énergie ne devraient pas faire l’objet d’un soutien spécifique par l’État.
De même, une pénalité devrait être utilisée pour le biogaz dont la production est accompagnée de pertes en méthane dans l’atmosphère. Ces précautions étant prises, nous considérons que le critère d’émission de GES doit être le critère principal du DPE, les autres critères éventuels ne doivent en aucune manière modifier l’appréciation du critère principal ; ils ne doivent être utilisés que comme une modulation à l’intérieur des classes du critère principal.
3-2 : Le critère de consommation d’énergie – En avons-nous vraiment besoin ?
Les émissions de GES sont proportionnelles à l’énergie effectivement consommée (et non à l’énergie primaire, qui n’a rien à voir avec les enjeux climatiques), avec un coefficient propre à chaque type d’énergie déterminé de manière objective et scientifique. Ainsi, le positionnement dans une catégorie au regard de l’émission de GES entraîne également le positionnement au regard de la consommation d’énergie, sans qu’il soit nécessaire d’ajouter un critère supplémentaire.
Nous avons évoqué, au paragraphe précédent, un facteur pénalisant pour les sources d’énergie de biomasse et biogaz pour tenir compte des pollutions additionnelles de ces sources. Nous considérons qu’un facteur de bonification devrait être utilisé pour l’électricité pour suivre le facteur d’usage lié à la souplesse d’utilisation de ce moyen, qui conduit à une sobriété intrinsèque.
4 – Conclusion
La proposition ci-dessus s’attache à la priorité de protection à l’égard de la dérive climatique et donc à la réduction des émissions de GES. Elle permet de relever les classements des logements utilisant l’électricité de 2 niveaux et de réduire la pression sur le parc de logements résultant des nouvelles réglementations appliquées aux « passoires énergétiques », dès 2025. Elles s’imposent à des logements, très nombreux (8,5 millions), chauffés avec des convecteurs électriques, qui voient leurs consommations d’énergie artificiellement augmentées d’un facteur 2 ,3 (ratio énergie primaire sur énergie finale, cette dernière étant seule pertinente pour apprécier la qualité d’isolation d’un bâtiment). Reclasser ces logements sur la base de l’indicateur émissions de GES augmenterait automatiquement le volume de logements disponibles au secteur locatif, au bénéfice de l’action sociale (et du climat).
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