La PPE3, énergie et électricité, une évolution qui reste très décevante : Les avis de PNC-France
Février 2025
La PPE3, énergie et électricité, une évolution qui reste très décevante Les avis de PNC-France
Introduction par par Jean-Pierre PERVES, Groupe d’experts de PNC – France
PNC-France a présenté, dans son cahier d’acteur, ses doutes sur le réalisme et les ambitions de la PPE 3 et de la SNBC. Vous trouverez ci-dessous une synthèse de nos observations : « PPE3 et SNBC3 : des évolutions très décevantes, voire contre-productives vis-à vis des objectifs climatiques ». Elle repose sur une douzaine de fiches d’analyse plus détaillées, qui sont jointes à cette synthèse, et qui présentent nos données chiffrées et les questions techniques et financières qui ne peuvent être ignorées.
Nos principales observations et conclusions sont :
- Les objectifs globaux 2030 sur la consommation d’énergie et les émissions de CO2 nous semblent inatteignables. Le gouvernement devrait faire preuve de réalisme face à un risque de décroissance continue de notre économie.
- Les décisions sur le nucléaire, qui vont dans le bon sens, même s’ils manquent encore de vision stratégique à long terme, tardent inutilement à être mises en œuvre.
- Les objectifs de la PPE3 dans le domaine de l’électricité, largement inspirés par le scénario de référence de RTE, font peu de cas de réelles difficultés techniques, qu’il s’agisse de la robustesse de la production (elle repose sur les énergies pilotables qui ont perdu 12,4 GW de 2011 à 2024, de l’extrême variabilité d’énergies intermittentes dont la croissance est très excessive (et qui vont peser lourdement sur la gestion du parc pilotable), de la saturation de notre réseau par des productions extraterritoriales irresponsables. Il en résulte une croissance mortifère du prix de l’électricité.
Notre mix électrique est confronté à une mise en concurrence déloyale avec des gestionnaires de capacités pilotables pleinement responsables de l’équilibre du réseau, et des énergies renouvelables intermittentes (EnRi) qui n’ont aucune responsabilité, bénéficient de subventions et d’une garantie de distribution, et ne supportent que leurs coûts directs. De plus des fournisseurs dits « alternatifs », qui n’ont pas investi en moyens de production, ont acquis à bas coût entre le tiers et le quart de la production nucléaire, et sont protégés par un principe de contestabilité générateur de prix élevés. Tout est réuni pour que le marché soit extrêmement volatil et que se développe une spéculation effrénée.
L’Europe enfin ne respecte pas ses traités et tente de prendre le leadership sur le secteur de l’énergie, sans prise en compte des spécificités de chaque État-membre. Elle n’a pas respecté le principe de neutralité, qui étaient de son devoir, et refuse d’évoluer en utilisant tous les pièges introduits contre le nucléaire dans la réglementation européenne depuis deux décennies (Taxonomie, green deal, …), malgré la crise économique qui frappe l’Europe,
PNC-France considère que la France doit, réaffirmer sa souveraineté dans le domaine de l’énergie, refuser les exigences techniques que veut imposer la technostructure européenne à notre mix électrique, se protéger des excès de ses voisins, exiger que toutes les énergies décarbonées bénéficient d’une neutralité technologique et d’un soutien financier égal. L’objectif climatique doit être prépondérant, l’objectif d’efficacité énergétique concourant à sa réussite pour que l’Europe retrouve dynamisme et compétitivité.
Le dossier ci-dessous comprend :
- Une synthèse des avis de PNC-France suivie d’une liste de fiches techniques
- Les 12 fiches techniques répondant à des questions importantes. Ces fiches ont été conçues pour être autoportantes, ce qui conduit à quelques redondances mais ce qui permet à chacun, sur la base de ses intérêts, d’examiner plus en détail les analyses de PNC-France. (Voir la table des fiches techniques à la fin de la synthèse).
Il a été établi par Jean-Pierre Pervès, Jean-Pierre Robin et Nicolas Waeckel, avec les contributions de Nathalie Beauzemont, François Brunschwig, Jean Fluchère, Michel Naud, Jean-Pierre Riou, Georges Sapy, Jean-François Sornein.
Dessin de Nicolas WAECKEL

PPE3 et SNBC3 : des évolutions très décevantes, voire contre-productives vis-à vis des objectifs climatiques.
Une synthèse des avis de PNC-France
Est-il crédible d’annoncer des objectifs très (trop) ambitieux alors que le retour d’expérience montre que la stratégie proposée présente des faiblesses criantes ?
En utilisant les éléments du Service des Données et des Études statistiques (SDES) pour faire un bilan des actions lancées dans le cadre des premières PPE, on constate rapidement que les objectifs affichés dans la PPE3 sont inatteignables (Fiche N°1) :
- La baisse de consommation d’énergie finale fossile de 2011 à 2023 n’a été que de 9%, soit 149 TWh, pour des investissements estimés par l’I4CE (Institut de l’économie pour le climat) à 978 Mds€, dont 420 Mds€ pour le bâtiment et 371Mds€ pour les transports. Or la PPE annonce des objectifs de baisse supplémentaires de 273 TWh d’ici 2030 et de 416 TWh d’ici 2035 ! Il faudrait donc une accélération annuelle de la baisse de consommation 3 puis 6 fois plus rapide que celle observée pendant la période 2011-2023. La réalité des évolutions techniques dans les secteurs majeurs du bâtiment et du transport, ainsi que les contraintes économiques et budgétaires actuelles, rendent les objectifs de baisse de la consommation d’énergie finale de la PPE3 irréalistes.
- Les émissions de GES, 261,5 MtCO2eq en 2023, devraient, selon les directives européennes de 2023, être réduites à 202 MtCO2eq d’ici 2030, soit une baisse de 60 MtCO2eq sur 7 ans. Or la baisse des émissions de GES lors des 7 dernières années n’a été que de 47 Mt, dont 39 Mt sont directement liées à la crise COVID et à la hausse du prix de l’énergie. L’objectif affiché par la PPE3 de baisser les émissions de GES de 8,6 MtCO2eq par an d’ici 2030 contre 2 à 3 MtCO2eq par an ces dernières années est irréaliste.
Ces constats conduisent à nous interroger sur l’efficacité des investissements « climatiques ». En 12 ans, les consommations dans les transports et le bâtiment n’ont baissé que de 4,5% et 8%, les baisses de consommations dans les bâtiments rénovés sont moitié moindres de celles affichées par les promoteurs de la stratégie, et le développement des voitures électriques marquent le pas. Pourquoi les institutions dédiées, telles que la DGEC ou l’ADEME, n’ont-elles pas réalisé des analyses coût-bénéfice de ces centaines de Mds€ investis au bénéfice du climat ? le prix de la tonne de CO2 évitée a-t-il été évalué ? Une étude d’optimisation des investissements est-elle disponible ?
La renaissance du nucléaire ? oui, mais…
PNC-France se félicite de l’évolution imprimée par le discours de Belfort du Président de la République le 10 février 2022, ainsi que de la création de l’Alliance européenne pour le nucléaire initiée par Madame Agnès Pannier-Runacher. Ceux qui, à tous les niveaux de l’État, prônaient une sortie progressive du nucléaire avec l’arrêt de 14 réacteurs dès 2025, puis en 2035, ont reconnu la nécessité d’engager six EPR2, conformément au rapport d’Escatha/Collet-Billon de 2018. Malheureusement, et contrairement aux EnRi, cette reconnaissance n’a pas été suivie de décisions concrètes : seule EDF s’est réellement engagée alors que ses capacités d’autofinancement dans le nouveau nucléaire sont régulièrement obérées par les prélèvements de l’État ou les ventes forcées à bas prix dans le cadre de l’ARENH. Est-il nécessaire de rappeler une fois encore que le nucléaire irrigue tout le tissu industriel de haute technologie français alors que les nacelles éoliennes et les panneaux photovoltaïque, largement subventionnés, sont très majoritairement importés ?
La filière et EDF ont démontré avec brio leur capacité à faire face aux défis techniques tels que la corrosion sous contraintes ou la nécessité de suivre les fluctuations de plus en plus importantes des productions des EnRi (Fiche N°7). Les conséquences financières du cumul de ces contraintes avec l’impact de la crise du gaz doivent être prises en compte, la capacité pilotable française étant clairement devenue insuffisante, comme rappelé régulièrement par l’ASNR, puis la commission d’enquête sénatoriale Delahaye de 2024 sur les prix de l’électricité.
De fait, le nucléaire est fiable, souverain et pilotable, mais c’est une technologie capitalistique, nécessitant un taux de production le plus élevé possible pour réduire l’impact relatif des coûts fixes. La priorité donnée aux EnRi, également capitalistiques, tout en étant moins décarbonées que le nucléaire (en particulier le solaire dont l’empreinte carbone est 10 fois plus élevée), et dont la production restera aléatoire et la durée de vie 3 à 4 fois moindre que celle du nucléaire, constitue une question prégnante qui ne doit absolument pas être ignorée. Mettre en compétition nucléaire pilotable et EnRi aléatoires conduit à cumuler des investissements colossaux (double capacité de production pour pallier l’intermittence, extension du réseau et développement coûteux des flexibilités), sans gain sur les émissions de GES. De plus, dans son Rapport 2025, l’Inspecteur Général de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection écrit : « J’estime que la priorité donnée aux EnRi, dans une complémentarité unilatérale nucléaire-EnRi, conduit à des variations de puissance dont il serait d’autant plus opportun de se dispenser qu’elles ne sont jamais anodines sur la sûreté ».
La question du financement du nucléaire (Fiche N°12) est en suspens et les récentes décisions ne vont pas dans le bon sens : l’État continue de prélever chaque année une part des résultats d’EDF (2 Mds € en 2024 !) malgré son endettement. Par ailleurs, même si le dispositif destiné à succéder à l’ARENH début 2026 semble prendre en compte la réalité du coût de production du nucléaire historique, c’est toujours la CRE qui est chargée d’en proposer le niveau. Ce n’est guère rassurant vu la manière dont elle a géré l’ARENH de 2011 à 2025, délétère pour les comptes d’EDF et pour ses clients. Il est à craindre, en particulier, que le coût du nucléaire historique proposé par la CRE n’intègre pas de marge d’autofinancement de l’entreprise pour renouveler son parc de production, ce qui serait totalement irresponsable.
Enfin d’un point de vue stratégique, la France doit valoriser son cycle du combustible fermé, unique au monde, en complétant sa filière de Réacteurs à Eau Pressurisée (REP) avec un nucléaire durable fondé sur des surgénérateurs. Cela permettrait, entre autres, d’utiliser le stock considérable d’uranium appauvri présent sur le sol français, issu de ses usines de séparation isotopique, et de s’affranchir des tensions géopolitiques internationales. Il y a donc urgence à relancer la R&D sur les réacteurs surgénérateurs, malencontreusement mise en sommeil par le CEA en 2018.
Un interventionnisme européen de plus en plus insupportable et des ambitions hors sol
Les traités en vigueur indiquent clairement que le nucléaire doit bénéficier d’un soutien de la Commission européenne (traité Euratom) et que le principe de subsidiarité doit s’appliquer dans le domaine de l’énergie (traité de Lisbonne).
Or la Présidente de la Commission vient de nommer trois personnalités radicalement antinucléaires à l’environnement, à l’énergie et dans son cabinet, ce qui démontre à l’évidence qu’elle souhaite poursuivre sa stratégie d’opposition au nucléaire. Les principes fondamentaux précédemment rappelés sont ainsi bafoués, avec la complicité des ministres français de l’environnement qui se sont succédé jusqu’en 2020. La CE s’attache à promouvoir exclusivement les énergies renouvelables, en imposant aux États-membres des objectifs de niveaux de puissances installées, sans prendre en compte leurs spécificités. Cette orientation est confirmée dans le cadre de « La Boussole de compétitivité » et de l’effort de simplification annoncés, qui se focalisent, comme antérieurement, sur les EnRi, les réseaux et les moyens de corriger leurs variabilités. Dans le domaine du nucléaire, seule la fusion trouve grâce à leurs yeux, car hors d’atteinte à l’horizon 2050, ce qui peut être vu comme une manœuvre dilatoire à peine dissimulée.
Des contraintes techniques sous-estimées au niveau national.
Aléatoires et intermittentes les Énergies Renouvelables Intermittentes (EnRi) vont avoir un impact de plus en plus considérable : si les objectifs de la PPE3 se concrétisent, les évolutions de la puissance quotidienne délivrées par les EnRi deviendront prépondérantes en regard des évolutions attendues de la consommation. Dès 2030, les variations horaires de puissances appelées seront considérables, atteignant fréquemment de15 à 20 GWe, et les variations journalières seront de 60 à 70 GWe quotidiennement (Fiche N°3). Il faut rappeler que la puissance garantie disponible en France aujourd’hui, maintenance et indisponibilités incluses, n’est que d’environ 80 GWe au cœur de l’hiver et de 50 GWe en été et qu’un socle de base solide doit être préservé (Fiche N°6).
Or les EnRi offrent une puissance garantie très limitée au niveau national, de quelques GW au plus, quel que soit le niveau de puissance installée. Même au niveau européen fortement interconnecté, il n’y a pas toujours du vent et du soleil quelque part, contrairement à ce qu’affirme la Commission Européenne. Ce début d’année 2025 a clairement montré qu’un anticyclone pouvait se positionner sur l’Ouest européen pendant plus d’une semaine. Globalement, même si l’éolien est plus présent en hiver et le solaire en été, les EnRi ne peuvent assurer un suivi saisonnier, réservé aux capacités pilotables (Fiche N°2).
La productivité du nucléaire, et donc le coût de son énergie, va souffrir des surproductions des EnRi, prioritaires sur le réseau (Fiche N°7). RTE rappelle que « le développement des EnRi conduit à devoir dimensionner le système électrique autour de la notion de consommation résiduelle, la consommation diminuée de la production renouvelable, principalement éolienne et solaire ». Une puissance installée d’EnRi, supérieure à celle des énergies pilotables, va rendre impossible la gestion de ces dernières. Or la PPE3 propose environ 150 GWe d’EnRi, soit près du double de la puissance pilotable.
Certes RTE propose de corriger ces inconvénients en développant les flexibilités de la production et de la demande. Mais, curieusement, il n’aborde pas la question de la cinétique de variation des productions d’EnRi. Face à la centaine de GW d’EnRi envisagés par la PPE3 en 2030, RTE ne propose que 4 GWe d’effacement, 1 GWe de batteries et un pilotage de 35 % des batteries de voitures, très hypothétique. Le compte n’y est pas !
Ce faisant, il transfère sur le ministère et la DGEC le soin de mettre en œuvre des palliatifs divers, dont le coût n’est ni évalué, ni pris en compte. Il est frappant de constater que RTE, très allant sur un scénario de référence qui, en agrandissant considérablement la taille de son réseau, lui est très favorable, se protège des conséquences de ce même scénario en émaillant sa présentation d’avertissements sans frais (Fiche N°8).
Les surproductions aléatoires de nos voisins ont un impact sur la stabilité de notre réseau et sur les prix
La stratégie allemande du tout renouvelable, ainsi que l’alignement de la stratégie européenne sur celle-ci, sont bien connues. Ses conséquences sur le réseau le sont beaucoup moins (voir https://allemagne-energies.com/2025/01/05/__trashed/). Fin 2024 l’Allemagne dispose déjà de 173 GW d’EnRi, soit plus du double de la puissance maximale appelée par son réseau, de 80 GW environ. À l’horizon 2035 la capacité d’EnRi de l’ouest européen pourrait dépasser 1000 GW, moitié solaire et moitié éolienne. Or, avec l’appui de la Commission Européenne (et l’accord de notre gouvernement), les EnRi bénéficient d’une priorité de facto sur les réseaux nationaux et transfrontaliers (appel au prix marginal le plus bas, sans tenir compte du coût des externalités). De fait, la Commission européenne demande que les interconnexions transfrontalières comme les liaisons des États-membres soient dimensionnées en conséquence, quel qu’en soit le coût, pour favoriser l’écoulement des surproductions EnRi.
Les moyens de productions pilotables, bien qu’essentiels à l’équilibre du réseau, sont relégués et doivent faire face à des variations de puissance fatales de plus en plus ingérables, sans être rétribués pour la souplesse et les garanties qu’elles procurent au système. Et du fait de leurs coûts fixes, ces moyens de production pilotables voient leur équilibre économique compromis par ces effacements répétés.
Les surproductions d’EnRi ont donc des effets délétères, d’une part sur l’équilibre des réseaux nationaux et européens et d’autre part sur le marché et la volatilité des prix de l’électricité (Fiche N°5). La Suède, la Finlande et la Norvège accusent directement l’Allemagne de déstabiliser le marché européen et la rendent responsable des épisodes de plus en plus fréquents de prix négatifs suivis de prix extrêmes. Ils exigent ainsi un moratoire sur les capacités des liaisons transfrontalières les concernant. Ignorant ces avertissements, la Commission vient de lancer un grand projet d’extension des liaisons transfrontalières dans le cadre de son Green Deal
RTE a nié ce problème pendant des années, mais son Président a enfin déclaré devant les industriels des ENR en septembre 2024 que « les exigences de sécurité d’alimentation du réseau ne sont tout simplement pas compatibles avec un pourcentage trop élevé d’Énergie Fatale Intermittente » et « qu’il faut qu’elle ait les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres moyens de production ». Mais aujourd’hui cette question n’est traitée ni au niveau de la PPE3, ni au niveau européen, et les EnRi ont tous les droits, y compris d’être payées pour ne pas produire. La proportion supportable d’énergies intermittentes est en débat, une étude récente concernant la Belgique montre qu’au-delà de 30% le coût de production d’un mix augmente rapidement.
Il n’est pas question pour PNC-France d’isoler le réseau français, mais il est indispensable que les responsabilités soient réparties entre les différents acteurs : les investissements dans les réserves de capacités, la gestion des flexibilités, les stockages ou encore les réseaux sont de la responsabilité de chaque pays et doivent être répartis en fonction des choix stratégiques de leur producteurs d’électricité (pilotable ou EnRi).
Les prix de l’électricité, de plus en plus élevés et volatils, ont des impacts sociaux et économiques majeurs (Fiche N°9)
Ce désordre dans le système de production européen résulte de choix idéologiques qui présentent des caractéristiques destructrices. Comme on l’a vu l’équilibrage des réseaux par les moyens de production pilotables, pourtant essentiel, n’est pas rétribué, faisant ainsi croître leurs coûts de production.
Par ailleurs, la CRE rechigne à jouer pleinement son rôle d’arbitre : en ne révisant pas les prix de l’ARENH depuis 14 ans, en accordant le principe de contestabilité des prix EDF par ses concurrents, en n’intégrant que le coût direct des EnRi, rendant ainsi impossible l’évaluation et la comparaison des coûts réels des différents moyens de production, la CRE faut clairement à sa mission et favorise une distorsion de concurrence.
In fine, c’est toujours le consommateur qui paye
Le coût des stockages et des flexibilités, rendus nécessaires par l’intermittence, n’est pas intégré au coût de production des EnRi mais reporté sur le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité), qui est payé par l’ensemble de la production, ce qui est scandaleux. En 2024, la Cour des comptes indique que le TURPE, qui a déjà augmenté de 26 % de 2017 à 2023, augmentera encore pour couvrir les coûts de développement des réseaux EnRi, alors que la consommation globale est stable. Le TURPE va devenir un élément très significatif du prix de l’électricité (Fiche N°10).
Les surproductions des EnRi produisent des variations majeures des prix spots, qui deviendront de plus en plus souvent « négatifs » (le nombre d’heures à prix négatif a doublé en 2024 par rapport à 2023), ce qui ne correspond à aucune logique économique. L’impact sur les prix est d’autant plus incohérent que même si les producteurs éoliens et solaires « effacent » transitoirement une part de leur surproduction inutile, plus de la moitié seront rétribués pour l’énergie non produite car ils bénéficient d’un prix d’achat garanti. À l’inverse, une faible production intermittente laisse le champ libre aux spéculateurs qui vendent leur parts d’ARENH.
Cela ne s’arrange pas car la CRE s’est donnée pour mission, selon les déclarations de sa Présidente, de garantir les revenus des fournisseurs alternatifs qui, pour la plupart, se sont abstenus d’investissements productifs (qu’ils devaient pourtant engager) et qui n’ont aucune responsabilité vis-à-vis de l’équilibre du réseau.
Plus scandaleux encore, depuis peu, l’électricité décarbonée est deux fois plus taxée qu’un gaz fossile pourtant 20 fois plus émetteur de GES (l’accise de l’électricité pour les particuliers vient d’être fixée à 33,7 €/MWh contre 17,16 €/MWh pour le gaz). De plus, comme cette taxe proportionnelle à la consommation est fléchée vers le soutien aux EnRi, elle est payée à 70% par les productions nucléaire et hydraulique décarbonées !
Se pose alors la question d’un optimum, externalités des EnRi et Turpe inclus, entre électricité pilotable et électricité intermittente dans notre mix, comme au niveau de l’Europe (Fiche N°4). Il correspond clairement, si nous voulons maîtriser le prix de l’électricité, à un niveau de capacités pilotables décarbonées important. C’est heureusement le cas en France avec le nucléaire et l’hydraulique. Le niveau d’EnRi actuel de notre pays est déjà suffisant et sa croissance doit être dimensionnée en fonction de la croissance de la consommation, une fois notre capacité pilotable rétablie.
A-t-on vraiment besoin de réduire l’empreinte carbone de notre mix électrique ?
Le développement accéléré des EnRi est régulièrement justifié par la nécessité de décarboner le pays et de faire face aux futures augmentations de consommation induites par l’électrification des usages. Or notre mix électrique est déjà décarboné à plus de 95 % avec des émissions limitées à 21,3 gCO2eq/kWh en 2024. Cette décarbonation, exemplaire, a été rendue possible par le déploiement du parc nucléaire de 1975 à 1995, puis par le remplacement du charbon par le gaz de 2010 à 2015. Malgré l’apport supplémentaire de 33 GW d’éolien et de solaire photovoltaïque, les émissions n’ont pas évolué depuis 2015, ce qui confirme le faible impact climatique des EnRi en France (Fiche N°11). Comme la consommation électrique domestique n’augmente pas depuis plusieurs années, près de 75% de notre production d’EnRi a été exportée en 2022-2023 selon RTE. Ce dernier se félicitait dans son bilan de l’année 2024 que la France évitait ainsi des dizaines de millions de tonnes de CO2 à ses voisins.
Des investissements EnRi démesurés pour un impact climatique minime
On l’a vu plus haut, l’investissement dans un écosystème EnRi va très au-delà du simple investissement des moyens de production. Or la PPE3 n’évalue pas les coûts cachés et ne dit pas qui les paie. Compte tenu des sommes colossales en jeu (se chiffrant en centaines de Mds€) et de l’état de nos finances publiques, il est primordial que toute la transparence soit faite sur ces investissements.
Ceci d’autant plus que l’analyse montre que l’extension proposée dans la PPE3 du parc EnRi ne se justifie pas face à l’atonie de la consommation et à son impact négligeable sur les émissions de GES en France. Réduire très sensiblement les objectifs de la PPE3 dans ce domaine limiterait très fortement les investissements en moyens de production de repli, de réseaux et flexibilités associés, ainsi que leurs coûts d’exploitations. Des investissements modérés dans quelques centrales à gaz permettraient de disposer d’une production de pointe, que les EnRi ne peuvent en aucun cas fournir. Ces centrales à gaz pourraient être implantées aux nœuds de distribution, proches des régions déficitaires en capacités installées. Une quinzaine de GWe gaz (CCG et TAC), fonctionnant moins de 1000 h par an aurait un impact CO2 faible et éviterait des importations qui, d’ici 2040, seront largement issues de centrales à gaz, voire à charbon dans les pays voisins, avec des prix spéculatifs (Fiche N°10).
C’est ce qu’ont compris les Allemands, qui ont toujours gardé des marges de capacités pilotables, contrairement à la France. Ils ont ainsi décidé de mettre en adjudication un parc supplémentaire de centrales à gaz (d’abord 10 GWe puis croissant jusqu’à 23 GWe) et de repousser la fermeture des centrales à charbon et au lignite bien au-delà de la date cible de 2030.
Ayons du courage politique !
Il est indispensable que la France décide de reprendre en main son futur énergétique dans le cadre d’une complète neutralité, technologique comme financière, se protège des excès de ses voisins et se défende face aux politiques discordantes des États-membres européens et aux positions de la Commission européenne et de sa Présidente, ouvertement partiales et antinucléaires.
Faute d’accord politique, la France doit mettre en œuvre les moyens techniques et financiers lui permettant de gérer de façon souveraine les transits d’électricité à travers son territoire et exiger de la CE que les stockages et flexibilités de chaque pays soient dimensionnés en cohérence avec les taux d’EnRi et de productions fossiles de leur mix.
LISTE DES FICHES TECHNIQUES
Fiche 1 : L’évolution de la consommation électrique en France, entre croyance et incertitudes.
Fiche 2 : L’Invasion des productions intermittentes, le défi du maintien de l’équilibre du réseau électrique.
Fiche 3 : L’impact très sous-estimé de la variabilité des EnRi.
Fiche 4 : Quel niveau d’EnRi peut-on supporter en France ?
Fiche 6 : De quelle puissance disponible aura-t-on besoin en 2026 (sur la base des chiffres 2019) ?
Fiche 7 : La flexibilité du nucléaire face au développement des EnRi prévu dans la PPE3.
Fiche 9 : Prix de l’électricité – Évolution, réalisme, impact de l’intermittence.
Fiche 10 : L’évolution du TURPE et son impact sur le prix de l’électricité.
Fiche 11 : Les émissions évitées de CO2 par le solaire et l’éolien.
Fiche 12 : Comment financer le nouveau nucléaire sous les contraintes imposées par l’Europe ?
Lire la synthèse complète (avec les Fiches) de PNC-France sur la PPE 3 au format pdf
